Dans l'est de la RDC, l'errance permanente des déplacés fuyant la violence

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NYAMIBUNGU (RDCongo) (AFP) - (AFP)

D'aussi loin que Baudoin Baleke Wabuya puisse se souvenir, la violence armée fait partie du quotidien des habitants du Sud-Kivu, province de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), contraints de se déplacer sans cesse pour tenter de lui échapper.

"La violence n'a jamais cessé", dans la région, explique ce responsable villageois, assis sous un arbre, alors que les premiers éclairs illuminent le ciel crépusculaire où des nuages menaçants s'amoncellent.

"Nous avons eu les milices Maï-Maï du temps de (l'ex-dictateur) Mobutu (Sese Seko, au pouvoir entre 1965 et 1997), puis l'invasion rwandaise et désormais nous avons des poches de rebelles rwandais dans la brousse", détaille-t-il en référence aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Ces combattants hutus rwandais, hostiles au régime actuel de l'ex-rébellion tutsi de Paul Kagame, sont exilés dans la zone depuis la fin du génocide de 1994 au Rwanda.

"Quand des gens ont des doléances, ils partent en brousse et tout recommence", déplore M. Wabuya.

Dans la région, les conflits se résument plus souvent aux atrocités commises par les divers groupes armés contre la population qu'aux combats entre belligérants.

Dans le village de Nyamibungu, au bout de la "Route nationale 2", une piste tellement boueuse et défoncée qu'aucun véhicule à quatre roues ne s'y aventure, Pierre Wangozi Lutula, 64 ans, est assis dans la maison que lui fournit la paroisse locale.

Avec son épouse, leurs enfants, et leur voisine octogénaire, Zaina Mombo, ils ont fui deux fois leur domicile au cours des dix dernières années.

Ils se sont installés à Nyamibungu l'an dernier, après avoir dû quitter précipitamment le village de Kululu, à deux heures de marche, après des affrontements entre les FDLR et la milice locale Raia Mutomboki.

Ils étaient arrivés à Kululu en 2002, au bout de sept jours de marche depuis leur précédent village Mulungu, où leur domicile venait d'être pillé par un groupe armé.

"On ne transportait rien avec nous, parce que tout avait été pillé", se rappelle Pierre Wangozi Lutula."A mon âge, j'étais honteuse de fuir et je n'avais pas la force de marcher", se souvient Zaina Mombo, dont le sourire s'ouvre sur une bouche édentée.

- Pillages et viols -

Les gens du village leur ont réservé un bon accueil quand ils sont arrivés, le plus jeune des enfants dans les bras.Leur principal problème à Nyamibungu est qu'ils ne possèdent aucune terre.Ils doivent donc acheter leur nourriture ou louer un lopin pour cultiver leur subsistance.

La fuite de Constance Mukemba l'a elle aussi menée à Nyamibungu, après l'enlèvement de son mari par des éléments de Raia Mutomboki, une milice "patriotique" formée il y a quelques années avec l'objectif avoué de chasser tous les rwandophones de RDC, mais qui enlève et capture les autochtones qu'elle prétend protéger et les utilise comme porteurs.

Dans le village voisin de Kitutu, Kungwa Kyala est assise dans une hutte si petite qu'on se demande comment elle, sa mère et ses trois jeunes enfants parviennent à s'y entasser pour dormir.

Cette ravissante jeune femme de 23 ans a fui son village natal de Kambulumbulu en 2010, après avoir été violée, avec quatre autres femmes qui travaillaient dans les champs, par des éléments des FDLR qui ont ensuite pillé le village.

"Les hutus sont venus et ont brûlé le village.Cinq d'entre nous ont été violées.Certains de nos voisins sont déjà retournés au village.Moi, je voudrais rester ici, mais nous n'avons pas de parcelle", explique-t-elle.

Les villageois, après l'avoir stigmatisée comme toute victime de viol, l'ont désormais acceptée en leur sein, dit-elle.

"Les gens disent que le nombre de groupes armés augmente (...), que plus de 20 groupes armés opèrent par ici", a expliqué à l'AFP la commissaire européenne pour l'Aide humanitaire Kristalina Georgieva, lors d'une visite dans la région début mars.

Mais ces groupes "sont essentiellement dans les zones reculées et nous n'avons pas de connaissance précise de la façon dont les gens sont touchés", a-t-elle souligné.

"Il y a une risque d'accroissement du nombre de déplacés", note-t-elle.Rien qu'en décembre et janvier, 128.000 personnes ont été chassés de leur domicile, dans un pays qui compte déjà 1,8 million de déplacés.

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