Le président du Malawi Bingu wa Mutharika, décédé vendredi à l'âge de 78 ans, fut d'abord loué pour sa lutte anti-corruption et son action efficace contre la famine, avant d'être fustigé pour la dérive autoritaire et brutale de son régime après huit ans de pouvoir.
Cet économiste, ayant travaillé pour plusieurs organisations internationales dont la Banque mondiale, avait accordé un entretien à l'AFP le 18 juillet 2011, deux jours avant le déclenchement d'émeutes meurtrières dans les grandes villes du pays.
"Je suis une personne très ouverte.Je consulte tout le monde", disait de lui-même ce fervent catholique, père de quatre enfants."Mais il faut aussi de la discipline.Aucune nation sur cette terre ne peut fonctionner sans discipline (...) La dictature n'est pas dans ma nature.Je suis un démocrate pur et dur."
Beaucoup, pourtant, on fait l'expérience de sa rigidité face à la contestation.En juillet 2011, des manifestations populaires tournent à l'affrontement et au pillage.La police tire à balles réelles: 19 morts.
En mars cette année, un comité d'opposants et personnalités de la société civile appelle à la démission du chef de l'Etat, dénonçant sa dérive autoritaire et sa mauvaise gestion économique.
Interdits de rassemblement par le pouvoir, les opposants doivent trouver refuge dans une église pour échapper à la police.
"Je tiens à informer le Malawi que Bingu ne démissionnera pas d'ici 2014", leur répond publiquement M. Mutharika, en ajoutant: "Bingu ne lâche pas l'affaire, il est responsable et ne déserte pas même si les choses deviennent difficiles."
Fils d'un directeur d'école, né dans un village du district de Thyolo (sud) perdu dans des plantations de thé, M. Mutharika avait débuté sa carrière politique en luttant contre la dictature de Hastings Kamuzu Banda (1964-1994).
Il co-fonda dans la clandestinité un mouvement pro-démocratie, le Front démocratique uni (UDF), qu'il quitta ensuite en 1999.
Ses loyautés à géométrie variable ont d'ailleurs été souvent considérées comme des trahisons par ceux qui en furent les victimes.Choisi à la fin des années 1990 pour succéder au président Bakili Muluzi, Mutharika préféra fonder son propre parti pour défier son mentor, avant de le faire poursuivre en justice pour corruption.
Elu une première fois président en 2004, il s'est targué d'avoir "éliminé la faim au Malawi", après une terrible famine en 2005.Et son programme en faveur des agriculteurs locaux lui a valu une réélection facile en 2009, avec 66% des voix.
Mais, à peine réélu, il a fait exclure du parti au pouvoir sa populaire vice-présidente Joyce Banda, et voulait installer son propre frère, Peter, dans le fauteuil présidentiel en 2014, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat.
De son bilan depuis 2009, ses détracteurs retiennent surtout qu'il a fait fuir les donateurs internationaux par sa mauvaise gestion, provoqué une pénurie chronique de carburant dans le pays et fait reculer les libertés fondamentales.
De fait, au début de son second mandat, le chef de l'Etat a fait adopter des lois limitant la liberté de la presse, la possibilité de poursuivre l'administration en justice, et le droit de manifestation."Il est en train de se transformer en dictateur", disait de lui récemment Friday Jumbe, un leader de l'opposition.
M. Mutharika affirmait après les violences de juillet 2011 vouloir discuter avec l'opposition, tout en désignant "Satan" comme le responsable des émeutes.Il était pourtant fondamentalement fier de son oeuvre à la tête du petit pays d'Afrique australe, l'un des plus pauvres du monde: "Le Malawi est une +success story+ (un succès)", affirmait-il, soulignant les années de forte croissance que vient de connaître le pays.
"Si vous étiez là il y a sept ou dix ans, vous constateriez maintenant, vous voyez que les choses changent, que le développement progresse", proclamait-il quelques semaines encore avant sa mort.
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