Pour joindre les deux bouts, Chimwemwe Chinkango vend des beignets sur un trottoir le jour de Pâques.Comme de nombreux Malawites, il espère de la nouvelle présidente Joyce Banda une reprise économique qui lui permettrait enfin d'aller à l'église ou de passer du temps avec ses enfants.
"Je ne devrais pas vendre ces beignets le dimanche de Pâques, à cette heure", soupire-t-il dans la lumière du petit matin, devant un supermarché de la capitale économique Blantyre.
"J'aurais dû aller à l'église le dimanche de Pâques.Mais j'ai besoin de survivre et de nourrir ma famille.J'espère que la nouveau présidente remettra l'économie sur les rails", dit ce jeune homme de 24 ans, père de deux enfants.
La plupart des Malawites accusent feu le président Bingu wa Mutharika d'avoir ruiné leur économie.Le pays est l'un des plus pauvres du monde, avec un produit intérieur brut de 343 dollars par personne.
Le gouvernement dépend de l'aide étrangère qui a représenté jusqu'à la moitié de son budget, y compris pour assurer des services essentiels comme la santé.Mais M. Mutharika s'est fâché avec les donateurs, qui ont suspendu leur aide, et le Fonds monétaire international.
"Que son âme repose en paix, mais Bingu a eu tout faux...l'économie, les relations avec les donateurs, les droits de l'Homme et de la gouvernance", accuse Chimwemwe Chinkango.
Bingu wa Mutharika est décédé jeudi ou vendredi d'une crise cardiaque, mais son gouvernement n'a annoncé sa mort que samedi matin, ses proches ayant cherché en vain à empêcher la vice-présidente Joyce Banda, passée à l'opposition, de prendre le pouvoir conformément à la Constitution.
Le bilan désastreux du président défunt est un comble pour cet économiste qui a travaillé à la Banque mondiale et a réussi au début de son premier mandat à mettre fin à une terrible famine en soutenant --à grands frais-- les petits agriculteurs.
Veronica Mayere, un panier de bananes et d'avocats sur sa tête, dit qu'elle se souviendra avec émotion de Mutharika car il a "mis fin à la faim au Malawi".
"Mais je ne verserai pas une larme pour lui car il n'a pas changé ma vie", dit-elle."A 50 ans, combien de temps encore vais-je devoir arpenter les rues pour vendre des fruits?"
Les subventions à l'agriculture ont asséché les finances de l'Etat, qui ont également été affectées par la suspension de l'aide étrangère et une forte baisse des prix du tabac, le principal produit d'exportation.Cela a privé le Malawi des devises nécessaires pour importer du carburant, provoquant des pénuries chroniques qui ont un peu plus affaibli l'économie.
"Joyce Banda devrait aller voir les bailleurs de fonds (...), se mettre à genoux.Ils devraient apporter des devises", estime Alexander Montagne, 34 ans, dans la capitale Lilongwe.
"Nous espérons qu'ils vont revenir au Malawi", ajoute Abdallah Nkalawire, 29 ans."Parce qu'au Malawi en ce moment, (...) même le sucre est un problème.Même l'argent, tout."
La radio publique jouait de la musique triste dimanche et les drapeaux étaient en berne, mais les habitants semblaient peu affectés par la perte de leur président.
Ils se réjouissaient plutôt de ce que la transition se soit passée sans heurts, et de ce que ses proches aient renoncé à mettre au pouvoir son frère, le ministre des Affaires étrangères Peter Mutharika.
Le prêtre catholique Joseph Kimu a dit à ses fidèles que "Dieu a montré qu'il est possible pour le Malawi d'être dirigé par une femme".
Dans son homélie de Pâques, retransmise en direct sur Radio Maria, la radio de l'Eglise, il a souligné que le pays, généralement pacifique, avait "appris au monde que nous pouvons changer le pouvoir sans la guerre."
"Tous les pays africains devraient venir ici pour apprendre la vraie démocratie", a-t-il ajouté.Il n'a pas mentionné Bingu wa Mutharika une seule fois pendant le service.
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