Après avoir quitté un mari qui la battait, Portia Mongake a retrouvé un sens à sa vie en aidant ceux qui en ont le plus besoin.Elle donne notamment à manger à des dizaines d'enfants dont les parents sont morts du sida à Alexandra, une township pauvre de Johannesburg.
La cour de la 18e rue où s'est installée cette forte femme de 52 ans s'anime au petit matin.Quelques dizaines de gamins attendent sagement leur tour dans le froid, le bonnet tiré sur les oreilles.Ils auront tous droit à un bol de gruau fumant.
"Presque tous les jours, nous mangeons du porridge, afin d'avoir quelque chose dans l'estomac.Parce que sans rien dans l'estomac, nous ne pouvons pas apprendre, nous serions paresseux à l'école", témoigne Sinah, 15 ans, qui aura en plus beignets et fruits à emporter pour la récréation.
Ils sont environ 120 à venir tous les matins, deux fois plus pour un déjeuner tardif pris après l'école.Certains ramèneront à manger dans leur foyer, ou dans ce qui leur sert de foyer.
"Pour ceux qui sont livrés à eux-mêmes, il y a un problème, parce qu'ils ne savent pas la plupart du temps d'où viendra le prochain repas.S'il n'y a pas de nourriture ici, ils iront dormir sans nourriture", soupire celle que les enfants appellent Mama Portia, et qui dit tirer son énergie de sa profonde foi en Dieu.
Aidée de sa fille et d'une poignée de volontaires, elle ne se contente pas de faire à manger.Elle aide aussi les enfants à faire leurs devoirs et organise des activités extra-scolaires.Grâce à des dons.
Comme une famille
"Nous sommes comme une famille pour eux", sourit-elle.Une famille fondée il y a une douzaine d'années quand une de ses amies est morte du sida, lui laissant la garde de quatre enfants.
Son initiative n'est pas isolée dans le pays, où des centaines de "mamas" viennent compléter la chaîne de solidarité familiale qui prend en charge les petites victimes de la vie.
Il faut dire que les chiffres sont effrayants.Quelque 11,9 millions d'enfants vivent dans la pauvreté en Afrique du Sud selon l'Unicef, sur les 18,6 millions que compte le pays.22% souffrent de la faim, un pourcentage qui augmente.
10,3 millions d'enfants dépendent d'une allocation gouvernementale de 270 rands (26 euros) par mois, mais 1 million n'en voient pas la couleur.3,6 millions sont orphelins (dont 2 millions d'orphelins du sida), 330.000 sont séropositifs...
"Nous n'avons pas manqué un seul repas depuis 2001", se réjouit Barry Moyle, un ami blanc venu donner un coup de main à Mama Portia.Même s'il faut parfois faire quelques achats, l'essentiel de la nourriture est donnée par des particuliers ou des entreprises, de même que des habits, couvertures, fournitures scolaires, etc.Tout est redistribué, en fonction des arrivages.
"Par la grâce de Dieu tout arrive, mais nous avons besoin d'être organisés", dit-il.Il veut créer une véritable fondation, ce qui faciliterait la recherche de sponsors.
Soutien aux "gogos"
Car Mama Portia ne vient pas en aide qu'aux enfants.Elle organise aussi des groupes de soutien, notamment aux femmes séropositives de ce township noir déshérité du nord de Johannesburg.
Et elle nourrit également une cinquantaine de "gogos", des grand-mères qui n'ont pas grand-chose pour survivre.
"Je viens juste ici parce que la dame peut m'aider, me donner quelque chose à manger.Elle a changé ma vie!", témoigne Tabia Mofulatsi, 75 ans, avant une distribution de maïs et de fruits.
L'idée est maintenant de trouver des locaux dignes de ce nom.La petite entreprise de bienfaisance, baptisée Ambangani eNkosini, squatte actuellement deux petits baraquements érigés dans ce qui devrait officiellement être un jardin public, à côté d'une église, d'une garderie et d'un cabinet médical.
Mama Portia Mongake y a élu domicile, partageant la chambre-bureau-salon et la cuisine-entrepôt avec quelques adultes et une dizaine d'enfants.
"Je dors ici tous les jours", relève sa fille Sophie."Vous devriez venir, et faire l'expérience des rats!"
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