Dans le sud de Madagascar, des bandes de plusieurs dizaines d'hommes armés se sont spécialisées dans le vol de zébus, et n'hésitent plus désormais à affronter l'armée et la gendarmerie déployées pour les arrêter.
Depuis le 9 juin, une centaine de voleurs de bétail armés de kalachnikov et de fusils de chasse s'est retranchée à Iabohazo, un village quasi-impossible d'accès de le district de Befotaka, dans le sud-est de la Grande �?le.Remenabila, un retraité d'une soixantaine d'années, se présente comme leur chef.
Les informations qui parviennent de cette zone reculée sont parcellaires, mais des civils affirment avoir retrouvé onze corps mardi dans une forêt, qui pourraient être les corps de militaires tués dans les combats.L'armée a déjà reconnu avoir perdu au moins six hommes, et fait état de cinq disparus.
Cette activité criminelle s'est développée au cours des décennies à partir d'une coutume ancestrale symbolique de certaines populations du Sud de Madagascar.
Le vol de zébu continue d'être pratiqué notamment au moment d'une demande en mariage où le prétendant doit voler un animal pour prouver sa virilité et sa force et gagner les honneurs et l'admiration de la belle-famille.Une fois volé, le zébu doit être rendu à son propriétaire.
"Il ne s'agit pas d'un véritable vol mais d'un rite sacré accepté au sein du groupe", explique à l'AFP Roland Rakotovao, historien.
"Cette pratique a pris une tournure différente durant la colonisation française quand les Malgaches l'ont utilisée pour s'opposer à l'administration coloniale et lutter contre l'oppresseur", poursuit M. Rakotovao.
Avec les crises économiques successives à partir des années 1970 et l'appauvrissement d'une partie de la population, le vol de zébu s'est intensifié et est sorti du cadre de la tradition originelle.
"Les voleurs de zébus (ou Dahalo) sont devenus de vastes réseaux qui se constituent en dehors des villages traditionnels.Il ne s'agit plus de l'identité et de la vie d'un groupe mais d'organisations clandestines rejetées par les villageois et les notables", affirme l'historien.
"Jusqu'à maintenant les groupes de voleurs de zébus étaient réduits.Aujourd'hui ils comptent des centaines d'hommes.C'est un phénomène nouveau", explique de son côté à l'AFP le colonel Rakotomalala, chef de service des opérations de la gendarmerie nationale.
Malgré une vaste "opération de sécurisation nationale" lancée en avril entre autres pour lutter contre la recrudescence de vols massifs de zébus dans certaines régions, le phénomène a pris de l'ampleur et est qualifié par les autorités de "grand banditisme".
Dans les régions des hauts plateaux du Sud, Bongolava et Betsiboka, trois grands marchés à zébus (Maintyrano, Tsiroanomandidy, Ambalavao) permettent d'écouler des marchandises volées et donc de perpétuer les vols.
"A priori il y a des contrôles mais la plupart du temps les voleurs arrivent à y échapper et à faire circuler les zébus volés librement", témoigne une source locale.
Rejetés par leurs villages, parfois anciens détenus, les voleurs de zébus sont condamnés à vivre à l'écart de la société et constituent leurs propres villages.
Ils n'en bénéficient pas moins de complicités à tous les niveaux, selon des sources concordantes.
"Les Dahalo font établir de faux documents par des fonctionnaires corrompus pour faire circuler leurs zébus.Certains sont aidés par des militaires complices ou manipulés par des personnes plus haut placées qui s'enrichissent de ce trafic, ce sont des Dahalo en col blanc", explique une source locale.
Poursuivi pour vols de zébus, Remenabila, célèbre chef Dahalo a été relaxé en 2008 par le tribunal de Farafangana (sud-est) pour insuffisance de charges.
Une enquête à tous les niveaux de l'administration est en cours pour démanteler un éventuel réseau qui génèrerait des milliers d'euros.
Un zébu castré du sud coûte en moyenne 200 euros.L'an dernier, certains groupes sont parvenus à voler 3.000 têtes, en un an.A Antananarivo, un employé de maison gagne en moyenne 20 euros par mois.
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