Le projet de nouvelle Constitution péniblement élaboré au Zimbabwe réduira les pouvoirs présidentiels, mais sans empêcher Robert Mugabe, au pouvoir depuis l'indépendance en 1980, de se représenter, au terme d'un compromis jugé bancal par les analystes.
Le texte a au moins un mérite: il permet d'en finir avec les incertitudes et ouvre la voie à un référendum constitutionnel qui pourrait avoir lieu d'ici la fin 2012, en prélude à des élections l'an prochain.
L'Union européenne s'est d'ailleurs dite prête à suspendre la plupart de ses sanctions contre le Zimbabwe si le référendum constitutionnel était "pacifique et crédible".
"Absurde", a rétorqué lundi le parti du président Mugabe, la Zanu-PF, réclamant une levée de toutes les sanctions européennes, imposées à partir de 2002 en réaction au climat de violence et d'intimidation qui règne toujours au Zimbabwe.
Fin mai, un militant de l'opposition à M. Mugabe a encore été tué et plusieurs autres "brutalement passés à tabac" par des sympathisants du chef de l'Etat venus perturber un meeting de l'opposition.
Mardi, l'ambassadeur des Etats-Unis Charles Ray a indiqué que Washington ne lèverait les sanctions qu'après des élections sans violence.
"Il y a des signes dérangeants de violences possibles", a-t-il dit durant un discours d'adieu à Harare, où il a terminé son mandat."Un processus électoral crédible sans violence ni intimidation ôterait sa pertinence à notre politique actuelle.Cela se joue là-dessus", a-t-il ajouté.
L'adoption d'une nouvelle Constitution figure dans les accords passés en 2008 entre M. Mugabe et son rival Morgan Tsvangirai pour éviter une guerre civile.
M. Tsvangirai, qui s'était retiré entre les deux tours d'une élection présidentielle qui tournait au bain de sang, a accepté de devenir le Premier ministre d'un gouvernement d'union nationale, fragile attelage qui ne convient à aucun des deux camps.
Un président exécutif aux pouvoirs réduits
Après trois ans de travaux d'écriture émaillés de violences, le projet de nouvelle Constitution a finalement été dévoilé la semaine dernière.
Il propose de réduire à deux le nombre de mandats présidentiels, pour un maximum de dix ans au pouvoir, mais sans limite d'âge.
Le texte impose au président de consulter le parlement et le conseil des ministres pour les nominations clés, et lui fait perdre son immunité après son mandat.
Au chapitre des droits de l'homme, le projet maintient la peine de mort pour les hommes de 21 à 70 ans coupables de meurtres avec circonstance aggravante, mais pas pour les femmes.
Il n'autorise pas le mariage homosexuel, contrairement à l'Afrique du Sud, et interdit la double nationalité.
Le texte prévoit également des indemnisations pour les fermiers blancs qui ont été forcés de quitter leurs terres lors de la très controversée réforme agraire du début des années 2000, mais protège les droits des agriculteurs qui les ont remplacés.
"La nouvelle Constitution (...) devait être un cadre global, corrigeant tout ce qui va mal dans notre pays", a commenté Nevanji Madanhire, rédacteur en chef du quotidien privé The Standard."Mais la somme de compromis que contient le projet montre que le pays continue à l'identique."
Vendredi, le ministre des Affaires constitutionnelles (pro-Tsvangirai), Eric Matinenga, a détaillé les changements prévus.
"Nous avons eu un seul président depuis 1980 et le sentiment de la plupart des gens est que c'est la principale faiblesse du pays", a-t-il expliqué.
Lovermore Madhuku, juriste à l'université du Zimbabwe, estime que "le président (dans le projet, ndlr) reste un président exécutif.Ce n'est pas ce que les gens demandaient durant la période de consultations", dit-il en invitant à voter non.
L'hebdomadaire pro-Mugabe Sunday Mail, de son côté, estimait dimanche que le projet de Constitution, même approuvé, "sera balayé par les futures générations".
Le projet reste vague sur les règles prévues en cas de démission, de décès ou d'incapacité du président.Il serait flanqué de deux vice-présidents, dont le premier lui succèderait alors.
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