L'accord sur le pétrole conclu samedi entre le Soudan et le Soudan du Sud ne permettra pas à lui seul de relever l'économie soudanaise, en pleine tourmente, d'autant que sa mise en oeuvre reste tributaire des progrès en matière de sécurité, selon des analystes.
Le différend pétrolier empoisonnait les relations entre Juba et Khartoum depuis l'indépendance il y a un an du Soudan du Sud, qui a hérité des trois quarts des ressources pétrolières du Soudan d'avant la partition (juillet 2011), mais dépend entièrement des oléoducs du Nord pour exporter.
Selon le Soudan du Sud, l'accord conclu à Addis Abeba prévoit que Juba paie à Khartoum 9,48 dollars par baril de pétrole exporté via le Soudan au cours des trois ans et demi à venir.Le Sud a en plus accepté de payer une somme forfaitaire de quelque trois milliards de dollars au Soudan, pour compenser ses pertes de revenu depuis la partition.
Selon le politologue El Chafie Mohammed el-Makki, de l'Université de Khartoum, ces sommes ne seront pas suffisantes, même s'"il vaut mieux quelque chose que rien: la crise économique est très, très, très sérieuse, je ne pense pas qu'une telle somme d'argent pourra résoudre les problèmes".
Le pétrole représentait 85% des revenus issus des exportations du Soudan, qui avaient atteint 7,5 milliards de dollars au premier semestre 2011, selon la Banque mondiale.
Sans cette source majeure de devises, nécessaires pour payer ses importations, l'inflation a bondi et la livre soudanaise vu sa valeur s'effondrer, tandis que Khartoum tentait de développer ses exportations d'or et de produits non pétroliers.
Le budget du gouvernement soudanais a pris de surcroît un nouveau coup de massue en raison de l'impossibilité de parvenir à un accord sur les droits de passage du pétrole, sur lequel il comptait.
Faute d'accord sur la redevance à payer par Juba à Khartoum, le Nord avait décidé de se payer en nature en prélevant du brut à son passage, mais furieux, le Sud avait peu après stoppé sa production, en accusant le Nord de vol.
Le ministre soudanais des Finances, Ali Mahmoud al-Rasoul, avait estimé en mai les pertes liées à l'absence d'accord à 6,5 milliards de livres soudanaises (2,4 milliards de dollars) à l'époque.
Le gouvernement avait ensuite dévalué le taux de change et commencé à supprimer le système très coûteux de subventions au carburant.
Parallèlement, les taxes, notamment la TVA, avaient été augmentées, les salaires des ministres réduits et des postes supprimés, des mesures jugées insuffisantes par Mohammed Eljack Ahmed, économiste à l'Université de Khartoum.
Si l'accord pétrolier contribuera à augmenter les recettes publiques, son impact sur la crise économique dépendra de la volonté du gouvernement à réduire encore plus sérieusement les dépenses, a souligné M. Ahmed.
"Le gouvernement, jusqu'ici, n'a pas été capable de réduire ses dépenses" et celles-ci ont même augmenté en raison de l'inflation, qui a atteint 37% en juin, a-t-il souligné.
Des craintes entourent parallèlement la mise en oeuvre de l'accord, qui pourrait ne pas être appliqué en cas de désaccord sur d'autres questions, "notamment de sécurité", a encore indiqué l'économiste.
"Pour être honnête, c'est plus une offre sur la table qu'un accord final", note l'analyste Magdi el-Gizouli, de l'ONG Rift Valley Institute."Tant qu'il n'y aura pas d'accord sur la sécurité, les discussions sur le pétrole resteront provisoires".
Il n'exclut cependant pas que l'annonce de samedi puisse faire partie d'un accord sur la sécurité, comme le soutient également le politologue Makki qui n'écarte pas non plus un compromis de Juba dans ce sens.
Khartoum, qui accuse Juba de soutenir des rébellions armées dans les provinces frontalières du Nil Bleu et du Kordofan-Sud, a réaffirmé jeudi que tout accord sur le pétrole est conditionné au préalable à un "accord total et final" sur la sécurité.
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