La longue queue devant le bureau des visas de l'ambassade égyptienne à Khartoum vous impressionne?Vous vous sentez perdu devant les formulaires à remplir?Alors rendez-vous sous le margousier où Moustapha Ali et sa bande d'amis tiennent leur "bureau".
Sous l'arbre feuillu, près du bâtiment colonial de l'ambassade, M. Ali a dans sa serviette tous les documents nécessaires et sa précieuse agrafeuse pour aider les voyageurs à remplir les formalités nécessaires pour entrer en Egypte voisine.
"Nous n'avons pas de bureau", lance Bachir Dahab, 62 ans, l'un des quatre écrivains publics improvisés qui, après avoir beaucoup voyagé et exercé plusieurs métiers, ont posé leurs valises sous le margousier.
"Nous aidons les gens, voilà notre vie", dit-il à l'AFP."Parfois, les gens nous donnent cinq livres (environ un dollar).Parfois cinquante livres.Parfois rien du tout".
L'homme aux lunettes et à la petite barbichette écrit l'arabe, l'anglais et même un peu de français, appris au début des années 1970 quand il était étudiant à l'Université du Caire à Khartoum.
Mais si les quatre amis se retrouvent chaque jour, ce n'est pas que pour le travail.S'installer sous le margousier, c'est aussi l'occasion de sortir de la maison et de se retrouver pour discuter, comme le feraient d'autres au café.
"Parce qu'à la maison, votre femme vous demande: 'Ramène moi du poulet, ramène moi de l'huile', etc.", dit M. Dahab, en tendant sa carte de visite sur laquelle s'étalent des palmiers sur fond de soleil couchant, image d'Epinal de sa Nubie natale, dans le nord du Soudan.
" Il sait vraiment très bien faire"
En bon ex-instituteur, M. Ali, un quinquagénaire chauve, peut parler de tout pendant des heures, passant de la religion à la culture africaine, de l'histoire aux langues.
Il remplit des demandes de visa depuis près de 13 ans, après avoir rejoint "M.Jaafer", un proche qui a embrassé ce travail un an avant lui.
"C'est notre chef", plaisante M. Ali derrière sa moustache, en désignant l'homme qui porte de grosses lunettes, arbore un large sourire et une bedaine imposante.
Penché en arrière sur sa chaise, M. Jaafer s'accorde une pause et repose ses pieds nus sur un réservoir cassé de WC abandonnés.Avec le ramadan, mois de jeûne musulman, la queue devant l'ambassade se rétrécit et les affaires tournent au ralenti.
"On peut dire que c'est la morte saison", explique M. Dahab, au contraire de mai et juin, lorsque de nombreux Soudanais partent en vacances en Egypte, l'ancienne puissance coloniale qui a géré le pays avec la Grande-Bretagne jusqu'en 1956.
Le quatrième larron de la bande, c'est Abou Digin - surnom qu'il tire de son bouc poivre et sel.Ancien travailleur en Arabie saoudite, il a rejoint le groupe il y a sept ans.
Les quatre amis n'ont pourtant rien inventé.Les "écrivains publics" sont souvent nécessaires près des ambassades, bâtiments gouvernementaux ou tribunaux de ce pays où 62% de la population est analphabète, selon les Nations unies.
Mais avec leur ancienneté, ils se sont fait une réputation.
"J'ai entendu parler de lui, on dit qu'il fait tout très bien", dit Mohammed Adam Ahmed, 25 ans, en avançant d'un pas résolu vers M. Ali.
Cet étudiant ghanéen, qui étudie l'arabe au Soudan, veut un visa pour passer ses vacances en Egypte.
Une fois le formulaire de l'ambassade rempli, M. Ali le fait signer à Ahmed à l'aide de son imposant stylo jaune.Ahmed paye, ravi, quatre livres pour le service reçu, avant de retourner sûr de lui à l'ambassade.
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