Des centaines d'habitants de Benghazi se sont rebellés vendredi contre les milices armées faisant la loi dans la deuxième ville de Libye, chassant plusieurs groupes extrémistes de leurs bases au terme de combats qui ont fait au moins quatre morts et plus de 70 blessés.
Le calme était revenu à Benghazi samedi, sur fond de craintes quand à de possibles représailles entre les deux camps.
Dans la nuit de vendredi à samedi, des centaines de manifestants ont réussi à déloger le principal groupe paramilitaire, la milice salafiste d'Ansar al-Charia, de son quartier général dans le centre de Benghazi, a constaté un journaliste de l'AFP.
Aux cris de "le sang des martyrs n'a pas été versé en vain", les manifestants sont entrés dans la caserne qui a été saccagée, pillée et incendiée.
Ils se ont ensuite attaqué le quartier général de la brigade de Raf Allah al-Sahati, un groupe islamiste qui s'est placé sous l'autorité du ministère de la Défense, où des combats ont duré deux heures, avant que la brigade ne quitte les lieux.
C'est lors de ces combats à l'arme légère et aux roquettes qu'au moins quatre personnes ont été tuées et plus de 70 blessées, a indiqué samedi l'agence officielle libyenne citant des sources médicales.
Un précédent décompte de l'AFP basé sur des bilans hospitaliers faisait état de 4 morts et quarante blessés.
Les assaillants ont pillé cette installation militaire située dans une ferme dans la région de Hawari, à 15 km du centre de Benghazi, emportant armes, munitions et matériel informatique, a constaté une correspondante de l'AFP.
La brigade Raf Allah al-Sahati a annoncé samedi sur sa page Facebook avoir repris le contrôle de son quartier général, précisant qu'un de ses commandants, l'islamiste Ismaïl al-Sallabi, avait été "légèrement" blessé dans l'attaque.
Situation "très volatile"
"La situation est très volatile.On ne sait pas quelle va être la réaction" des milices mais aussi des autorités et des familles des victimes, a indiqué samedi à l'AFP le militant des droits de l'Homme Jalal al-Gallal.
Les autorités libyennes ont mis en garde dans la nuit contre le "chaos" et appelé les manifestants à faire la différence entre les brigades "illégitime" et celles qui sont sous l'autorité de l'Etat.
Le président de l'Assemblée nationale, Mohamed al-Megaryef, s'est félicité de la réaction de la population contre les "brigades en dehors de la légitimité", tout en appelant les manifestants à se retirer immédiatement des locaux occupés par des brigades du ministère de la Défense, citant Raf Allah al-Sahati, la brigade du 17 février et Le bouclier de la Libye.
Le ministre de l'Intérieur, Fawzi Abdelali, a mis en cause de son côté des personnes "infiltrées parmi les manifestants".Certains de ces "infiltrés" font partie des services de sécurité, selon lui, et veulent le "chaos et la sédition".
Dans la journée, des dizaines de milliers de Libyens avaient manifesté pacifiquement à Benghazi contre les milices armées, dix jours après l'attaque du consulat américain du 11 septembre 2012 qui a coûté la vie à l'ambassadeur des Etats-Unis Chris Stevens et trois autres Américains.
Avant de se diriger vers la caserne d'Ansar al-Charia (les partisans de la loi islamique) les manifestants avaient déjà délogé une autre milice d'un bâtiment de la sécurité libyenne dans le centre de la ville.
Samedi, ces deux sites étaient occupés par les forces de sécurité régulières, selon une journaliste de l'AFP.
Selon des témoins, Ansar al-Charia a également quitté sous la pression des manifestants l'hôpital al-Jala qu'elle contrôlait, et qui a été repris par la police militaire.
Au moins quatre autres installations publiques ont été désertées par des milices à l'arrivée des manifestants.
"Actions décisives contre les milices"
"Les habitants de Benghazi ont fait en une journée ce que le gouvernement a échoué à faire durant des mois", s'est félicité une activiste libyenne sur Twitter.
La mobilisation des habitants de Benghazi "va peut être inciter l'Assemblée nationale à mettre en place les actions décisives contre les milices dont le pouvoir transitoire s'était abstenu", par manque de force militaire et peur des représailles, souligne Jason Pack, spécialiste de la Libye.
Le nouveau pouvoir a échoué à désarmer les groupes d'ex-rebelles ayant combattu le régime de Mouammar Kadhafi au cours de la révolution de 2011, bien que plusieurs d'entre eux aient intégré les ministères de la Défense et de l'Intérieur.
L'attaque contre le consulat américain, déclenchée lors d'une manifestation contre le film anti-islam produit aux Etats-Unis, a illustré l'incapacité des autorités à assurer la sécurité dans le pays ainsi que la montée en puissance de groupes islamistes radicaux en Libye.
Benghazi, la deuxième ville de Libye, d'où était partie en 2011 la contestation qui a renversé le régime de Kadhafi, a été le théâtre ces derniers mois de plusieurs attaques contre des intérêts occidentaux et d'assassinats de responsables de la sécurité.
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