Le français, s'il n'est pas parlé par la majorité des habitants de la République démocratique du Congo (RDC), reste la langue d'échange entre les habitants de ce pays de 70 millions d'habitants.
"Le français est toujours présent", explique Daniel Mutombo, directeur général du centre de linguistique théorique et appliquée (CELTA) de Kinshasa.Mais "c'est la langue des lettrés, ajoute-t-il.Il n'est utilisé que par une infime partie de la population (20% environ).Selon lui "tout dépend du milieu où on se trouve."
Selon cet enseignant, dont le bureau d'un immeuble décrépit montre que ses travaux ne sont pas au coeur des préoccupations des autorités, "le français est une langue qui permet d'accéder à certaines fonctions dans la société".
A Kinshasa, a-t-il constaté, "les étudiants sont incapables de commencer et de terminer une phrase en français, ils la finissent toujours dans une langue locale".Ainsi, en RDC comme ailleurs, selon lui, "le français subit l'influence des langues locales et l'enseignement se fait donc dans une langue métissée".
Amadou Ba, chef d'antenne de Radio Okapi, créée par une fondation suisse et parrainée par les Nations unies, explique que le journal en français est le plus écouté, avec 55% des auditeurs qui le suivent après avoir entendu celui diffusé dans leur langue.
Fort de 22 millions d'auditeurs, Radio Okapi, qui a fêté ses 10 ans en février, traduit chaque jour en swahili, en tshiluba, en kikongo et en lingala une trentaine de sujets."Il faut de la dextérité et du savoir faire.Je réfléchis en français et je l'exprime dans ma langue maternelle, le peul", explique Amadou Ba.
"Le français est une langue de ciment, ajoute-t-il, un Congolais du Masisi (territoire de l'est de la RDC) va parler français à Kinshasa." Mais dans une langue bien à lui : "sois souple" dit-il à son ami avare.Un passant bien habillé est "danger" voire "mystique".
"Il ne s'agit pas de faire du mot à mot: nos langues sont orales, imagées, il faut adapter un langage multiculturel.Ainsi, l'expression +du pain sur la planche+ devient +des difficultés+".
"Inter-influence dans les deux sens"
"C'est un enrichissement, dit le professeur Mutombo.Les puristes parlent de langue altérée, mais la langue est un organe vivant qui a une naissance, une croissance et une mort probable." Aussi, "pour sauvegarder notre moi profond, l'accès à nos langues doit être prioritaire", ajoute Mutombo.
Un Français de naissance qui vit longtemps en RDC ne parle pas le même français qu'un métropolitain, explique-t-il, citant l'adoption par les agences de voyage du terme "safari", qui veut dire "voyage", en swahili."Il y a inter-influence dans les deux sens", commente-t-il.
Ainsi, en tshiluba (surtout parlé dans le centre) comme dans de nombreuses langues africaines, le nombre de voyelles est plus réduit qu'en français, d'où la difficulté que rencontrent nombre d'Africains à prononcer le "U" qui devient très souvent un "I".
Une étude de l'association d'études linguistique interafricaine (ALIA) sur la coloration du français en Afrique a prouvé qu'il y a un français du Bas-Congo (ouest), du Kasaï (centre), et d'ailleurs."Les langues locales impactent les locutions et le français influence aussi ces langues", explique-t-il."Le français est déjà influencé en France par les langues étrangères, remarque-t-il, à plus forte raison hors de France."
Selon le professeur Mutombo, "il y a un africanisme formel comme +vigiler+, extension de +vigile+ (gardien).Et puis il y a un africanisme sémantique comme aller voir son +2e bureau+, qui signifie rendre visite à sa maîtresse" dans plusieurs pays francophones.
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