L'arrivée lundi de la nouvelle présidente de la commission de l'Union africaine, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, suscite l'espoir mesuré de voir le continent renforcer son unité, sous la férule d'une femme réputée pour son sérieux et son nationalisme africain.
Si certains nourrissent peu d'illusions sur sa capacité à secouer la grosse machine inter-gouvernementale de l'UA, brillant souvent par ses absences ou ses compromis discutables et son financement aléatoire, l'arrivée de Mme Dlamini-Zuma à Addis-Abeba est généralement perçue comme une chance dans les chancelleries et parmi les observateurs.
"Mme Dlamini-Zuma peut faire beaucoup à la tête de l'UA (...) Elle dispose de l'expérience politique nécessaire pour pouvoir faire un bon travail", estime ainsi un diplomate du Niger, Abdou Garba, nullement troublé par la promotion d'une anglophone à la tête de la Commission de l'UA pour quatre ans.
"Je pense que les pays francophones n'ont rien à craindre de la présidence de Mme Dlamini-Zuma", dit M. Garba, donnant un avis largement partagé."Je crois qu'elle va surtout agir en tant qu'Africaine", dit-il.
La prise de fonction de l'ancienne ministre des Affaires étrangères de la première puissance économique du continent ne semble guère non plus inquiéter la majorité des pays membres.
Hormis sans doute le Nigeria et l'Ethiopie qui n'ont pas vu d'un bon oeil, selon un diplomate, les démonstrations de force de l'Afrique du Sud en juillet pour arracher la présidence de la commission face au sortant, le Gabonais Jean Ping. "On espère qu'elle va réussir", ajoute-t-on au Quai d'Orsay, où l'on est sensible à la "forte personnalité" de Mme Dlamini-Zuma.
Mais le crédit personnel dont jouit cette ex-épouse du président Jacob Zuma n'empêche pas les doutes.
Elle devra compter avec les faiblesses d'une organisation qui peine à coordonner 53 Etats aux profils très hétérogènes et jaloux de leur souveraineté. "Croire qu'elle va changer la donne témoigne d'une incapacité à comprendre comment travaille l'Union africaine", commentait ces jours-ci l'ancien chef de l'Etat sud-africain Thabo Mbeki.
Quand l'ex-président malien Alpha Oumar Konaré a été porté à la tête de la Commission de l'UA (2003-2008), "on pensait qu'un ancien chef d'Etat aurait une influence suffisante sur ses pairs.Ca n'a pas marché", rappelle-t-il.
"L'UA a fait preuve d'un certain nombre de faiblesses dans beaucoup de dossiers, elle a été peu présente par rapport aux atteintes aux droits de l'homme ou à la démocratie, ou au plan militaire (...) Est-ce que Mme Dlamini-Zuma va changer la donne et l'UA retrouver une crédibilité?On peut se poser la question", s'interroge Philippe Hugon, chercheur à l'institut français Iris.
Selon lui, Mme Dlamini-Zuma va "renforcer l'UA et adopter une position de nationalisme africain (...) plutôt qu'une position favorable aux interventions extérieures, qu'elles émanent de l'OTAN, de l'UE, de la France..." Mme Dlamini-Zuma a pour elle son expérience, mais la diplomatie sud-africaine n'a pas toujours été un modèle d'efficacité ces dernières années.
Les efforts de médiation de Thabo Mbeki en Côte d'Ivoire, par exemple, n'ont ainsi pas laissé de souvenirs impérissables.
Les Sud-Africains se voient généralement reprocher une lecture diplomatique encore prisonnière de la lutte contre l'apartheid et une complaisance envers des régimes à tendances autoritaires mais qui les ont soutenus dans le passé, comme le Zimbabwe ou l'Angola du président Dos Santos.
L'ancien président burundais Domitien Ndayizeye, en revanche, n'a pas oublié que c'est l'Afrique du Sud, alors que Mme Dlamini-Zuma était aux Affaires étrangères, qui a sauvé le processus de paix dans son pays en 2002.
"L'Afrique du Sud a envoyé ses propres soldats par ses propres moyens alors que l'UA et l'ONU ne parvenaient pas à envoyer les troupes promises", se souvient-il, reconnaissant.
Pour l'instant, la nouvelle présidente de la Commission s'est bien gardée d'exposer ses recettes pour résoudre les dossiers brûlants du moment, comme le Mali, le Sud-Soudan et la Somalie. Mais elle a assuré qu'elle agirait "pour s'assurer que l'UA soit une institution forte, avec une voix qui porte"."Chacun d'entre nous doit commencer à penser africain", a-t-elle déclaré.
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