De Sankara à Mandela, le rappeur Awadi fait parler ses "grands hommes"

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DAKAR (AFP)

Partout dans son studio d'enregistrement, le rappeur sénégalais Didier Awadi affiche les portraits de ses "grands hommes": Sankara, Lumumba, Mandela - parmi d'autres - dont les paroles lui ont inspiré son dernier disque, ainsi qu'un petit film documentaire "hautement politique".

Lauréat du Prix RFI Musiques du Monde en 2003, Awadi est né il y a 41 ans à Dakar.Une ville où son dernier CD, "Présidents d'Afrique", se vend au coin des rues.Une ville où il continue de vivre et travailler dans une grande maison simple du quartier Amitié, baignée par les exclamations des footballeurs du voisinage.

Dans son adresse de messagerie internet, il a glissé le mot "révolution"."Il ne faut pas avoir peur des mots, j'assume, on veut vraiment que les choses changent profondément", dit le chanteur au regard franc dans un visage encadré de dreadlocks.

"Je veux armer la jeunesse de références politiques, sociales et culturelles, lui mettre dans l'oreille et dans l'âme les voix et les idées de tous les grands hommes qui m'ont interpellé".

Fils de deux enseignants - père Béninois, mère Cap-Verdienne -, il puisait, enfant, des livres dans la bibliothèque paternelle.Puis, en terminale, il a écouté une cassette qui l'a marqué, "un discours de Malcolm X en 1963".

Depuis, le rappeur a collectionné et mis en musique toutes sortes d'enregistrements du prêcheur afro-américain assassiné en 1965, du pasteur afro-américain Martin Luther King (assassiné en 1968), du président burkinabè Thomas Sankara (assassiné en 1987) ou encore des Martiniquais Aimé Césaire et Frantz Fanon.

D'emblée, c'est la voix de Sankara qui tonne: "L'esclave qui n'est pas capable d'assumer sa révolte ne mérite pas que l'on s'apitoie sur son sort.Cet esclave répondra seul de son malheur s'il se fait des illusions sur la condescendance suspecte des maîtres qui prétendent l'affranchir".

Puis des paroles en arabe du président égyptien Gamal Abdel Nasser (1918-1970) ouvrent un autre titre, mélodieux, et le chanteur enchaîne: "On va faire comme Nasser, nos affaires nationaliser, l'uranium nationaliser, le pétrole nationaliser".

A présent, Awadi peaufine le montage d'un documentaire fait maison, tourné avec sa petite caméra.Débordant d'interviews de personnalités, il cible notamment le "néocolonialisme" depuis les indépendances.

"Le colon s'est retiré, l'expert est venu, l'aide internationale est venue", dit ainsi l'historien guinéen Djibril Tamsir Niane, dans un des extraits que l'AFP a visionnés.

"C'est un film techniquement sans prétention, mais hautement politique.Le fil conducteur, c'est l'émigration: pourquoi l'Africain qui était dans le coton part...pourquoi l'Africain qui était dans la pêche part...", dit Awadi, pour qui "l'Afrique n'est pas pauvre mais appauvrie".

"On doit développer nous-mêmes notre pêche, que les pêcheurs sénégalais deviennent eux-aussi des milliardaires, et non pas des convoyeurs d'hommes en partance pour l'Espagne.Le poisson se fait rare dans nos eaux parce que les bateaux étrangers - européens ou asiatiques - viennent piller la ressource", lance-t-il.

"Et, pendant ce temps, nos gouvernants signent des accords pour qu'une flotte étrangère nous empêche de prendre la mer.Frontex (l'Agence européenne de surveillance des frontières, ndlr), c'est une patrouille raciste.Il suffirait de mettre d'autres nationalités sur les pirogues pour s'en rendre compte!", accuse-t-il.

Il préfère mettre en valeur, dans son film, les paroles d'une Namibienne qui demande gravement: "permettez-nous, en tant qu'Africains, d'aimer aussi.Pourquoi voulez-vous toujours qu'on ne ressente que le désespoir?".

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