Tunisie: la mort de 2 grévistes de la faim met le pouvoir dans l'embarras

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TUNIS (AFP) - (AFP)

La mort de deux détenus salafistes tunisiens après deux mois de grève de la faim place dans l'embarras le gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahda, accusé d'avoir "tué" ces militants.

Et le problème est loin de s'arranger: plus d'une centaine de personnes placées en détention provisoire ont cessé de s'alimenter --des militants religieux mais aussi des prisonniers de droit commun-- pour obtenir leur libération, laissant se profiler le spectre de nouveaux décès.

Les proches des défunts, Mohamed Bakhti et Béchir Gholli qui avaient été arrêtés après l'attaque de l'ambassade américaine le 14 septembre dernier, accusent déjà haut et fort les autorités "d'assassinat", les deux hommes étant morts en protestant contre "l'arbitraire de la justice".

"Ces deux jeunes, qui appartenaient à ce que la Tunisie a de meilleur, ont été assassinés avec préméditation", a lancé à la radio Mosaïque FM Anouar Laroussi, un détenu salafiste libéré début novembre après une longue grève de la faim en détention provisoire.

Le frère de Gholli, Raouf a lui martelé que les défunts étaient "deux "martyrs.Ils ont été tués à petit feu.Tout le monde, à commencer par le gouvernement, est coupable".

"Celui qui fait grève et meurt a commis un péché"

Les islamistes d'Ennahda, qui sont à la tête du pays, ont regretté ces décès et appelé à une enquête, mais ils ont aussi rejeté la responsabilité sur les salafistes eux-mêmes, se plaçant sur le terrain religieux et juridique.

Le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a ainsi signifié aux tenants de cette mouvance sunnite rigoriste que se laisser mourir de faim est un péché s'apparentant au suicide.

"Il n'y a pas de texte religieux concernant la grève de la faim (...) il y a des divergences sur le sujet.Pour ceux (parmi les islamistes) qui y sont favorables, il y a une condition : la grève ne doit pas conduire à la mort.Celui qui fait grève et meurt a commis un péché", a-t-il estimé.

Mais, "comment peut-on parler de suicide alors que cette grève était pour dénoncer une arrestation" arbitraire?s'élève Anouar Laroussi sur radio Mosaïque.

Le ministère de la Justice a lui souligné qu'au "nom de l'Etat de droit" il ne pouvait ni céder au "chantage" des grévistes et les libérer, ni les forcer à se nourrir.

"Cette campagne a pour risque de se propager à tous les prisonniers.Libérer les grévistes correspondrait à +fermer+ la Justice (...) L'indépendance des décisions de justice, ce n'est pas seulement l'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique", souligne ainsi Fadhel Saihi, un haut responsable du ministère en charge du dossier.

Par ailleurs dit-il, "dans le cas où le gréviste rejette les soins, l'hôpital ne peut pas l'hospitaliser", en vertu de la Déclaration de Malte adoptée par l'Association médicale mondiale (AMM) qui considère que "l'alimentation forcée n'est jamais acceptable même dans un but charitable".

"Aujourd'hui, nous sommes prêts à améliorer les conditions (de détention) afin de faire face au problème, trouver une solution et préserver la vie de ces gens", a relevé M. Saihi.

Mais du côté des avocats des salafistes, aucun signe ne laisse présager, pour le moment, de compromis imminent."Il faut libérer toutes les personnes arrêtées appartenant à la mouvance", a encore répété Maître Seif Eddine Makhlouf.

Et une visite de plusieurs ONG de défense des droits de l'Homme lundi dans une prison semble avoir galvanisé le mouvement : "on a impliqué la société civile, et maintenant (les grévistes) sont encore plus déterminés.Ils considèrent que cette visite est le résultat de leur action", soupire M. Saihi.

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