A Nairobi, le quartier d'Eastleigh, "Little Mogadiscio", dans la tourmente

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NAIROBI (AFP) - (AFP)

A Nairobi, les habitants du quartier d'Eastleigh, surnommé "Little Mogadiscio" en référence à l'anarchique capitale somalienne, se disent doublement victimes: des attentats qui se multiplient dans leurs rues animées, et de la discrimination policière.

"Les habitants d'Eastleigh sont d'abord visés par les bombes, et ensuite maltraités par les forces de sécurité, qui les arrêtent au hasard," résume Mohamed Hirsi, un homme d'affaires qui importe des parfums.

Eastleigh, situé en périphérie de la capitale kényane, est surtout peuplé de Kényans d'ethnie somali.

Depuis quelques mois, bombes, attaques à la grenade et fusillades visent tour à tour rues fréquentées, autobus et mosquées de cet important noeud économique de Nairobi, où commerçants de toute l'Afrique de l'Est viennent faire des affaires, sur des marchés bondés où s'empilent melons, bananes et snacks épicés.

La semaine dernière encore, deux attentats y ont eu lieu, tuant six personnes.

Nairobi a tendance à imputer ces attaques aux islamistes somaliens shebab, ou à leurs sympathisants.

Les shebab ont beau promettre d'impitoyables représailles au Kenya depuis qu'il a lancé son armée à leur poursuite dans le sud somalien en octobre 2011, ils n'ont eux jamais revendiqué les attaques à Eastleigh.

Mais dans le quartier, l'amalgame entre Kényans somali, réfugiés somaliens et dangereux islamistes est vite fait.Et les attentats débouchent souvent sur des batailles rangées entre jeunes d'ethnie somalie et Kényans d'autres communautés.

Le Kénya abrite, en grande majorité dans les camps de Dadaab (est) mais aussi à Eastleigh, quelque 560.000 réfugiés somaliens, qui, depuis plus de 20 ans, fuient violences incessantes et sécheresses récurrentes chez eux.

Il est aussi peuplé de quelque 2,3 millions de Kényans d'ethnie somali, vivant à Nairobi mais aussi dans l'immense et désoeuvré nord-est du territoire, frontalier de la Somalie.

Pour Abdi Aynte, un analyste indépendant, les millions de Somali vivant au Kenya sont désormais "enveloppés" d'un mélange de "peur, culpabilité par association et sentiment d'altérité".

Stigmatiser les Somali, au profit des shebab

La problématique dépasse d'ailleurs le cadre d'Eastleigh.

Human Rights Watch a aussi dénoncé les représailles dont est victime la communauté somali dans le nord-est du pays à chaque fois qu'y est perpétrée une agression contre les forces de l'ordre.

Certains responsables kényans n'hésitent pas à demander le renvoi des réfugiés somaliens chez eux.

"C'est terrible (...) nous sommes partis de Somalie à cause de l'insécurité qui y régnait, mais maintenant nous sommes confrontés aux mêmes problèmes ici, au Kenya," déplore un réfugié somalien qui tient un petit commerce à Eastleigh et préfère garder l'anonymat.

A la suite des récentes attaques dans le quartier, la police a effectué des descentes contre les sans-papiers.Le réfugié interrogé par l'AFP a lui-même eu son fils arrêté et dit avoir dû payer pour sa libération, alors qu'il n'était "impliqué dans aucune attaque".

Stigmatiser la communauté somali n'est pourtant pas sans risque.

Pour certains, elle ne peut que renforcer l'influence des shebab.

"Les shebab ont dans le passé exploité la communauté somali quand elle se sentait persécutée," dit M. Aynte.Cette fois encore, ajoute-t-il, "la machine à propagande" des shebab est à l'oeuvre.

Pour d'autres, cela rajoute en tout cas aux tensions déjà très fortes au Kenya alors qu'approche la prochaine élection présidentielle.Le scrutin est prévu début mars et certains craignent déjà qu'il ne donne lieu à de plus graves violences encore qu'il y a cinq ans.

Fin 2007 et début 2008, la dernière présidentielle, contestée, avait débouché sur de terribles affrontements ethniques.Plus de 1.000 personnes étaient mortes, et des centaines de milliers d'autres avaient été déplacées.

A Nairobi, dans le nord-est, mais aussi dans le nord et sur la côte est du pays, en proie à un mouvement séparatiste lui aussi réprimé, les violences se multiplient.Sur l'ensemble du pays, des centaines de personnes ont trouvé la mort cette année dans des agressions répondant, selon les observateurs, à un schéma de violences électorales.

"Le Kenya a l'air encore plus divisé et prédisposé à des explosions de violence qu'il ne l'était en 2007," notait ainsi notamment l'analyste David Throup, dans un récent rapport du Centre d'études stratégiques et internationales basé aux Etats-Unis.

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