Les islamistes qui occupent le nord du Mali ont à nouveau détruit dimanche à Tombouctou des mausolées anciens, promettant d'anéantir tous ces tombeaux qu'ils considèrent comme des lieux d'"idolâtrie" contraire à l'islam, un nouveau geste de défi trois jours après le feu vert de l'ONU à l'envoi d'une force internationale pour les combattre.
L'Union européenne a réagi par la voix de sa chef de la diplomatie Catherine Ashton, "profondément choquée" par la destruction de ces sépultures de saints de l'islam dans cette ville-phare de la culture musulmane en Afrique.Elle a appelé à la "protection urgente de ce patrimoine culturel et religieux unique" sur le continent.
En juillet déjà, les islamistes avaient détruit nombre de ces tombeaux en représailles à une décision de l'Unesco d'inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril.
"Ils sont en train de briser tous les mausolées des quartiers avec des pioches", a témoigné dimanche pour l'AFP un habitant, sous couvert de l'anonymat.
"J'ai vu les islamistes descendre d'une voiture près de la grande mosquée de Tombouctou.Derrière une maison, ils ont détruit un mausolée en criant Allah est grand ! Allah est grand !", a raconté un autre.
"Il ne restera plus un seul mausolée à Tombouctou, Allah n'aime pas ça, nous sommes en train de détruire tous les mausolées cachés dans les quartiers", a confirmé à l'AFP Abou Dardar, un chef d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), groupe islamiste armé qui occupe Tombouctou avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Mohamed Alfoul, qui se présente comme un membre d'Aqmi à Tombouctou, a justifié ces destructions en affirmant que tout ce qui ne relève pas de l'islam, "n'est pas bien"."L'homme doit vénérer seulement Allah", a-t-il martelé.
"Idolâtrie"
La destruction de ces tombeaux de Tombouctou (nord-ouest) s'ajoutent aux amputations vendredi de la main de deux voleurs présumés à Gao (nord-est), au nom de la charia, la loi islamique.
Et elle survient après l'adoption jeudi par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'unanimité d'une résolution autorisant, par étapes et sous condition, une intervention armée dans le nord du Mali au mieux à partir de septembre 2013 pour en chasser les islamistes qui l'occupent depuis six mois.
Or, malgré les réserves des experts sur la capacité à mobiliser et entraîner rapidement une force armée africaine, la France --l'une des puissances occidentales qui poussent le plus à l'intervention-- a estimé dimanche, par la voix de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, qu'elle pourrait être lancée dès le premier semestre 2013.
Au même moment, un groupe islamiste du Nigeria, Ansaru, revendiquait l'enlèvement mercredi dans le nord de ce pays de l'ingénieur français Francis Colump, en représailles au "rôle majeur" joué par la France dans la préparation de l'intervention internationale au Mali.
Les mausolées de Tombouctou, ville historique "aux 333 saints", fondée au Ve siècle mais devenue la capitale intellectuelle et spirituelle de l'islam en Afrique aux XVe et XVIe siècles, y sont vénérés par la population.
En juillet, les militants d'Ansar Dine et d'Aqmi, qui considèrent la vénération des saints comme "de l'idolâtrie", avaient suscité un tollé général en y détruisant de premiers mausolées à Tombouctou, avant de récidiver en octobre.
Vendredi, les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) qui occupent Gao y avaient amputé la main de deux voleurs présumés, promettant "bientôt" de nouvelles amputations.
Depuis août, plusieurs autres amputations publiques ont été commises dans différentes localités du nord, sans compter des centaines de coups de fouet à des couples "illégitimes", des buveurs d'alcool, des fumeurs, et autres "déviants", selon les groupes islamistes, ainsi que l'arrestation de femmes non voilées chez elles.
Ansar Dine, groupe composé essentiellement de Touareg islamistes, a signé vendredi à Alger un accord avec la rébellion touareg laïque du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) qui avait lancé l'offensive dans le nord en janvier avant d'en être chassé par les islamistes.
Les deux groupes se sont engagés à cesser les hostilités et à négocier une solution politique avec Bamako, mais Ansar Dine a réaffirmé qu'il n'entendait pas renoncer à la charia dans les zones sous son contrôle.
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