Erythrée: des tanks encerclent le ministère de l'Information occupé par des mutins

Des tanks de l'armée érythréenne encerclaient lundi le ministère de l'Information à Asmara, occupé depuis la matinée par au moins une centaine de militaires apparemment mutinés, mais peu de détails filtraient de ce pays des bords de la mer Rouge parmi les plus fermés au monde.

"Le ministère de l'Information est assiégé" par des blindés depuis que des mutins y ont pris position dans la matinée, a déclaré à l'AFP un diplomate basé à Nairobi et disposant de contacts en Erythrée, chiffrant pour sa part à 200 le nombre de ces militaires rebelles.

Aucun tir n'a été rapporté et la situation semblait calme dans la capitale érythréenne, a-t-il précisé.Des sites de l'opposition en exil ont néanmoins fait état de tirs alors que des partisans du gouvernement à Asmara affirmaient sur les réseaux sociaux que la ville était calme.

Des expatriés érythréens disant avoir pu contacter des proches à Asmara ont confirmé à l'AFP que des troupes étaient déployées autour du ministère et que la télévision d'Etat Eri-TV avait cessé d'émettre dans le pays.

Il n'était pas clair dans l'immédiat si ces troupes étaient des mutins ou des forces loyalistes.

Selon Amanuel Ghirmai, journaliste de la radio indépendante Erena basée à Paris, une centaine de soldats ont pris d'assaut dans la matinée le ministère de l'Information, d'où émettent la totalité des médias publics, les seuls autorisés en Erythrée où la presse indépendante est interdite et les journalistes étrangers persona non grata.

"Nous ne savons pas qui dirige le mouvement" de mutinerie, a ajouté ce journaliste, qui a entendu à 10H00 (07H00 GMT), le début d'un communiqué sur les ondes nationales.Le signal a été coupé après la lecture des deux premières phrases.

"Nous allons libérer les prisonniers politiques et les transfuges (ayant tenté de franchir la frontière pour quitter le pays, ndlr).Nous allons faire entrer en vigueur la Constitution", a-t-on simplement entendu, selon ce journaliste.

"Mouvements militaires inhabituels"

La Constitution, adoptée en 1997 et qui prévoyait le multipartisme et des élections, est suspendue depuis le conflit frontalier qui a opposé l'Erythrée à l'Ethiopie entre 1998 et 2000.

Selon ce journaliste de Radio-Erena, disant se baser sur des sources directes dans la capitale érythréenne, tous les occupants du ministère "ont été rassemblés dans une grande pièce".

Plusieurs sources ont affirmé, sans que cela puisse être vérifié, que parmi ceux-ci figurait la fille du président Issaias Afeworki, qui dirige l'Erythrée d'une main de fer depuis son indépendance en 1993, acquise après 30 ans de guerre contre le gouvernement éthiopien.

Aucun responsable érythréen n'a pu être joint.

Les signaux locaux de la télévision d'Etat Eri-TV et des trois radios publiques émettant en Erythrée étaient toujours coupés en fin de journée, a ajouté M. Amanuel.Eri-TV était visible sur internet et diffusait des émissions musicale et culturelle non datées.

Le ministère britannique des Affaires étrangères a fait état sur son site internet "de mouvements militaires inhabituels dans et autour d'Asmara" et appelé les Britanniques présents en Erythrée à "faire preuve d'une extrême prudence".

Rahel Welddeab, habitante d'Asmara et membre d'une organisation officielle étudiante et de jeunesse, a affirmé sur tweeter que "les habitants d'Asmara vaquent à leur occupations"."Je vis près de l'aéroport et il ne se passe rien", a-t-elle affirmé.

Le site d'opposition basé aux Etats-Unis Awate.com, qui disposent de relais en Erythrée, a lui rapporté que les mutins étaient de jeunes soldats, mais que de "hauts gradés refusaient de prendre des mesures pour mettre fin à la mutinerie".

Le site a fait état "d'informations selon lesquelles l'aéroport et la présidence sont encerclés par des tanks", précisant qu'il n'était "pas clair" à quel camp appartenait ces tanks.

L'Erythrée (5,4 millions d'habitants) est classée 177e sur 187 pays dans l'indice de développement humain du Pnud (Programme de l'ONU pour le développement) et considérée par les ONG comme le pire pays en matière de liberté de la presse, derrière la Corée du Nord.

Tous les médias indépendants ont été fermés en 2001, parallèlement à une purge lancée au sein du pouvoir par M. Issaias, après la publication par 15 dignitaires d'une lettre ouverte réclamant des réformes et l'accusant de dérive autocratique.Onze d'entre eux avaient été emprisonnés, les autres réussissant à fuir.

Les partis d'opposition sont interdits et les contestataires emprisonnés sans jugement.La réalité du pouvoir est aux mains de l'armée, essentiellement d'ex-vétérans de la guerre d'indépendance.

Le ministre de l'Information, Ali Abdu, un proche du président érythréen, est porté disparu d'Erythrée depuis fin 2012.Il a fait défection et est réfugié au Canada, selon une source diplomatique.