Après l'Europe, le Fonds monétaire international (FMI) a ouvert une nouvelle ligne de front au Maghreb et au Proche-Orient, une région qui lui est moins familière et qui cherche encore son équilibre après le printemps arabe.
Chamboulées par les révolutions de 2010-2011, l'Egypte et la Tunisie négocient avec le Fonds une aide financière, tandis que la Libye, riche en or noir, bénéficie d'une assistance technique.
Le FMI s'est également porté au chevet de pays fragilisés par l'onde de choc du printemps arabe: en août, la Jordanie a obtenu un prêt de 2 milliards de dollars et le Maroc s'est vu accorder un crédit de "précaution" de 6 milliards.
L'attention du Fonds n'est pas que financière.
La semaine dernière, sa directrice générale, Christine Lagarde, a signé une tribune dans le Financial Times appelant les nations arabes à "des mesures politiques urgentes" pour éviter que l'espoir né de la révolution ne retombe.
Son numéro deux, David Lipton, n'est pas en reste, qui multiplie discours et déplacements dans la région.
Pourquoi un tel activisme?Selon M. Lipton, la région dispose d'un "formidable potentiel de croissance" que le FMI ne peut ignorer au moment où l'économie mondiale tourne au ralenti.Hors pétrole, les exportations cumulées des pays de la région ne pèsent aujourd'hui pas plus que celles...de la Belgique, aime-t-il à rappeler.
Mais l'institution a également ses propres raisons.Avant les révolutions arabes, le FMI a été un ardent défenseur de l'austérité dans la région et, comme en Afrique noire, il a été accusé d'imposer des plans d'aide peu adaptés aux réalités locales.
"Réformes économiques douloureuses"
"Beaucoup de pays arabes étaient sur le point de tourner le dos au FMI", explique à l'AFP Ibrahim Saif, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, un centre de réflexion de Washington.
Les inégalités sociales, au coeur des révolutions arabes, ont été parfois mises "sur le dos" de l'institution de Washington, a-t-il souligné.
Aujourd'hui, le FMI affirme avoir compris le message et ne jure plus que par des programmes "locaux", élaborés avec les autorités du pays et plus attentifs aux inégalités sociales.
"Au moment où nous nous engageons plus étroitement dans la région, nous avons compris que nous devions davantage expliquer le rôle du FMI", rappelait M. Lipton en novembre, assurant que la société civile et les syndicats seraient associés aux discussions.
La tâche du FMI ne sera pas de tout repos, comme l'a montré le cas égyptien.
En décembre, les autorités du Caire ont suspendu un pré-accord sur un prêt de 4,8 milliards de dollars en raison des troubles politiques.L'approche d'élections dans le pays, mais également en Tunisie, pourrait par ailleurs soulever une nouvelle vague d'instabilité.
"Les élections sont toujours des moments difficiles", reconnaissait récemment Masood Ahmed, chef du département du Moyen-Orient au FMI.
La situation économique des pays en transition, plombés par la fuite des capitaux et la flambée des déficits, alourdit encore davantage le climat.
"Il y a un immense besoin de réformes économiques douloureuses (...) et toute tentative du FMI (de les mener à bien) rencontrera une forte résistance", prédit Zubair Iqbal, chercheur au Middle East Institute et ancien expert au FMI.
Certains groupes religieux ont déjà fait savoir qu'ils voyaient d'un très mauvais oeil les discussions avec l'institution de Washington qui devra en plus, à l'avenir, évaluer l'application des réformes avant de débloquer ses tranches d'aide.
"Le FMI sera dans l'oeil du cyclone et sera tenu pour responsable à chaque fois qu'un pays sera dans l'incapacité de mettre en oeuvre son programme de réformes, et qu'une crise en découlera", assure à l'AFP M. Iqbal.
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