La France a appelé mercredi Bamako au dialogue avec les populations du Nord du Mali, au moment où ses soldats prenaient position à Kidal, dernière grande ville de la région sous le contrôle de groupes armés.
Le Burkina Faso, médiateur dans la crise malienne au nom de l'Afrique de l'Ouest, a réaffirmé mercredi sa "disponibilité" pour un dialogue politique au Mali, assurant que "l'usage légitime de la force n'exclut pas la recherche d'une solution politique négociée".
De son côté, le président malien par intérim Dioncounda Traoré a prévenu jeudi sur RFI que le seul interlocuteur touareg pour Bamako dans les négociations politiques à venir serait les rebelles laïcs du MNLA, les islamistes d'Ansar Dine s'étant "disqualifiés".
"Il est évident qu'Ansar Dine s'est disqualifié, il n'est plus éligible au dialogue quel que soit par ailleurs le masque que certain d'entre eux ont décidé de porter désormais", juge M. Traoré dans une allusion à la création d'un groupe dissident, le MIA (Mouvement islamique de l'Azawad).
Sur le plan diplomatique, des diplomates et des responsables de l'Onu ont affirmé mercredi que les Nations unies pourraient accélérer la mise en place d'une force de maintien de la paix au Mali au moment où les troupes françaises et maliennes prennent le dessus sur les groupes armés islamistes.
Le Conseil de sécurité devrait se saisir de la question dans quelques jours.
Sur le terrain, des soldats français ont pris dans la nuit le contrôle de l'aéroport de Kidal, à 1.500 km de Bamako, après la reconquête, au côté de l'armée malienne et sans grande résistance, des deux plus grandes villes du Nord du Mali, et Tombouctou, qui étaient aux mains de groupes islamistes armés.
La situation est cependant différente à Kidal: la ville n'est pas aux mains de jihadistes liés à al-Qaïda, mais des islamistes dissidents du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA) et des autonomistes touareg du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA).
"Bonne intelligence avec les Touareg"
"Nous sommes dans une situation particulière à Kidal et nous faisons en sorte d'avoir des relations de bonne intelligence avec les Touareg", a souligné à Paris le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
Alors que jusqu'à présent, des soldats maliens accompagnaient systématiquement les militaires français dans leur offensive contre les groupes islamistes, les Français sont seuls à l'aéroport de Kidal, où ils sont pour l'instant bloqués par une "tempête de sable", selon Paris.
Une première concession aux groupes qui contrôlent Kidal: le MIA a ainsi lancé mercredi un appel à ce que "l'armée malienne et les forces de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) ne pénètrent pas sur le territoire de l'Adrar des Ifoghas, région de Kidal, avant qu'une solution politique ne soit trouvée".
"Le MIA comme le MNLA ont donné les preuves de leurs engagements à coopérer avec la France, puisque les forces françaises sont entrées à Kidal sans qu'aucun coup de feu ne soit tiré, c'est la preuve que Kidal n'est pas un sanctuaire pour terroristes", selon le MIA, un groupe issu d'une scission ces derniers jours avec Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), groupe islamiste allié à al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes, dont Ag Ghaly et l'Algérien Abou Zeïd, un des émirs d'Aqmi, se sont réfugiés dans les montagnes au nord de Kidal, près de la frontière algérienne.
Kidal et sa région, le massif des Ifoghas, sont le berceau des autonomistes touareg, en rébellion contre le régime de Bamako.Et le MIA, comme le MNLA, craignent des exactions des soldats maliens contre les communautés arabe et touareg.
Les tensions sont très fortes dans le Nord entre les minorités arabes et touareg, dont les membres sont très largement majoritaires dans les groupes islamistes armés, et les Noirs, majoritaires au Mali.
"Réconciliation nationale"
La France a d'ailleurs appelé mercredi Bamako à "engager sans plus attendre des discussions avec les représentants légitimes des populations du Nord (élus locaux, société civile) et les groupes armés non terroristes reconnaissant l'intégrité du Mali".
Les Affaires étrangères ont aussi salué l'adoption par le Parlement malien mardi d'une "feuille de route" politique pour l'après-guerre.Ce document prévoit notamment une discussion avec certains groupes armés dans le cadre de la "réconciliation nationale".
Mais sur le terrain, la crainte d'exactions continue à se faire ressentir.A Tombouctou, au lendemain de l'entrée des soldats français et maliens, des centaines de personnes ont attaqué mardi des dizaines de magasins tenus, selon elles, par "des Arabes" accusés d'avoir soutenu les islamistes armés.
Washington a d'ailleurs apporté son soutien aux "appels lancés par les Maliens et les Français exhortant les citoyens maliens à ne pas exercer de représailles contre les Touaregs ou d'autres minorités ethniques", selon la porte-parole du département d'Etat Victoria Nuland.
Quelque 3.500 soldats français sont actuellement déployés au Mali, un chiffre qui devrait monter à environ 4.400 dans les prochains jours, selon Paris.
Le ministre allemand de la Défense, Thomas de Maizière, a indiqué que l'Allemagne était prête à aider au ravitaillement des avions français engagés au Mali.Les députés allemands devront d'abord se prononcer sur la question, probablement en mars, selon lui.
Le chef de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma), le général nigérian Shehu Abdulkadir, a pour sa part plaidé mercredi pour la mise en place d'un pont aérien pour accélérer le déploiement des troupes africaines.Un tel pont permettrait de boucler le déploiement en deux semaines selon lui.
Au total, près de 8.000 soldats africains sont attendus au Mali pour épauler les forces maliennes et prendre le relais de l'armée française, mais ils n'arrivent qu'au compte-gouttes, leur déploiement étant ralenti par des problèmes de financement et de logistique.
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