La mort présumée d'un des principaux chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelhamid Abou Zeid, restait à confirmer samedi mais son annonce par le président du Tchad a relancé les inquiétudes sur le sort des otages français détenus dans la région.
Le président Idriss Déby a déclaré vendredi soir que l'Algérien Abou Zeid avait été "abattu" par les soldats tchadiens au cours de violents combats dans les montagnes du nord-est du Mali, près de la frontière algérienne.
Cette annonce, faite pendant un hommage à 26 soldats tchadiens morts dans les affrontements avec les jihadistes, n'a pas été confirmée par Bamako, Paris ou Alger.
"Pas de commentaire", a-t-on déclaré laconiquement samedi à la présidence française.
Des résultats de tests ADN, actuellement effectués en Algérie, devraient être déterminants , selon la presse algérienne.
Des officiers des services de sécurité algériens ont identifié l'arme mais pas le corps présenté comme celui du plus radical des chefs d'Aqmi, a rapporté samedi le journal algérien El-Khabar.
Ces officiers qui "traquaient depuis des années Abou Zeid, ont authentifié son arme qui était en possession des Français, mais ils n'ont pas été en mesure d'identifier formellement le cadavre", écrit El-Khabar, ajoutant que ni les forces françaises, ni maliennes, n'ont pu identifier le corps.
Des experts entretiennent également des doutes sur la mort du jihadiste.
Le journaliste mauritanien Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali relève que "les Algériens l'ont plusieurs fois annoncée par le passé et que le président tchadien avait besoin d'une pareille annonce pour remonter le mort de ses troupes et de son opinion" après la perte de soldats.
Matthieu Guidère, un universitaire français, professeur d'islamologie à l'université Toulouse 2,, note aussi que ni Aqmi, ni aucun réseau islamiste n'ont confirmé l'information."Or l'expérience montre que les djihadistes ne cachent jamais leurs morts et en font immédiatement un martyr".
Il souligne que la source initiale de l'information sont les renseignements algériens."L'objectif serait d'obliger Abou Zeid à communiquer pour démentir sa mort (...) et ainsi relocaliser sa piste grâce aux moyens de surveillance".
"Je suis extrêmement dubitatif tant que ce n'est pas confirmé officiellement par les Algériens", ajoute un autre spécialiste français, consultant sur le terrorisme, Jean-Charles Brisard.
Quoi qu'il en soit, l'annonce de cette mort relance les inquiétudes sur les otages français au Sahel dont au moins six sont détenus par Aqmi.
Pascal Lupart, président du comité de soutien à deux otages enlevés en novembre 2011 au Mali, dit craindre que les otages se retrouvent aux mains de "seconds couteaux", si c'est bien Abou Zeïd qui a été tué."C'est une angoisse permanente", dit-il.
"Les geôliers peuvent bien, pour venger la mort de leur chef, prendre des décisions malheureuses", affirme à l'AFP une source sécuritaire malienne.
M. Guidère estime que "quand les djihadistes sont attaqués, les représailles sur les otages sont quasi systématiques".
René Robert, grand-père de Pierre Legrand, un des otages français d'Aqmi, a déclaré que son "inquiétude était "renforcée".
"L'action militaire met en danger les otages, clairement", dit-il en évoquant l'intervention de l'armée française, lancée le 11 janvier aux côtés de l'armée malienne et qui a chassé Aqmi et les autres groupes des villes du nord du Mali.
C'est dans ce contexte militaire défavorable aux jihadistes que se situe l'annonce de la mort d'Abou Zeid.
Un responsable malien de la sécurité évoque "un coup dur pour Aqmi", tout en prévenant qu'elle "ne signifierait pas du tout sa mort ou sa fin".
Cette organisation "est très structurée et peut sans doute amortir le coup", fait aussi remarquer Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaali, directeur de l'agence privée mauritanienne en ligne ANI et spécialiste d'Aqmi.
Mais Eric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), note qu'"avec les Tchadiens, les Maliens et les Algériens, l'armée française est en train de nettoyer toute la zone.Les jihadistes mettront du temps à s'en relever s'ils s'en relèvent", dit-il.
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