Dégradation de la note de la dette, mise en garde de la Banque centrale et attentisme du FMI: l'interminable crise politique tunisienne a ses premières conséquences économiques dans un contexte déjà tendu par la multiplication des conflits sociaux ces derniers mois.
Après la récession de l'année de la révolution, le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda s'était targué d'une amorce de reprise économique depuis son arrivée aux affaires en décembre 2011, avec une croissance de 3,6% en 2012, soit 0,1 point de pourcentage supérieur aux prévisions.
Mais l'assassinat le 6 février de l'opposant Chokri Belaïd a plongé le pays dans une profonde crise politico-sécuritaire, avec la démission du Premier ministre Hamadi Jebali le 19 février et les opaques tractations pour la formation du nouveau cabinet.
L'agence de notation Standard and Poor's a été la première à tirer les conclusions de cette impasse, abaissant la note souveraine de la Tunisie à "BB-" contre "BB", assortie d'une perspective négative compte tenu du "risque de voir la situation politique se détériorer davantage".
Son concurrent Moody's lui a emboîté le pas dix jours plus tard, plaçant le pays dans la catégorie spéculative, en évoquant certes "l'instabilité politique accrue dans le pays qui a des implications pour l'économie", mais aussi et surtout l'impasse dans laquelle la Tunisie se trouve depuis des mois.
Faute d'accord sur une nouvelle Constitution et donc sur la tenue d'élections, le pays s'enlise depuis deux ans dans sa phase de "transition postrévolutionnaire", ne donnant aucune visibilité aux investisseurs.
La Banque centrale tunisienne a effectué la même analyse cette semaine, estimant que "l'affermissement des indicateurs positifs de la reprise graduelle du rythme de la croissance" était menacé.
"Manque de visibilité"
"Les récentes évolutions négatives observées à l'échelle nationale et qui pourraient prolonger, en cas de poursuite du manque de visibilité, la situation d'attentisme et de prudence observée chez les opérateurs économiques, pourraient affecter l'activité économique et exacerber les pressions sur les équilibres financiers internes et externes", a noté la BCT.
Or toute baisse de l'activité économique aura un effet négatif sur le chômage, alors même que cette question, facteur clé de la révolution, est à l'origine de nombreux conflits sociaux dont certains ont été réprimés durement.
En outre, l'essor de la mouvance radicale salafiste, responsable de l'attaque en septembre de l'ambassade américaine et accusée du meurtre de Chokri Belaïd, menace la reprise du tourisme, qui représente 7% du PIB et 400.000 emplois.
Moody's souligne ainsi que "l'escalade des violences et des troubles sociaux" risque de "dissuader les investisseurs et les touristes et d'affecter grandement la balance des paiements".
Pour ne rien arranger, la crise intervient au moment où la Tunisie et le Fonds monétaire international négocient un plan d'aide de "précaution" de 1,78 milliard de dollars pour soutenir la "transition" et aider le pays à faire face à d'éventuels "chocs" extérieurs.
La conclusion de ces pourparlers, pourtant très avancés, a été reportée jusqu'à la formation du nouveau cabinet, dont a été chargé l'actuel ministre de l'Intérieur, l'islamiste Ali Larayedh.
"Nous ferons à nouveau le point sur la situation lorsque le nouveau gouvernement sera formé et son mandat défini", a déclaré à l'agence officielle TAP le chef de la mission du FMI pour la Tunisie, Amine Mati.
"Une fois cela établi, nous évaluerons le meilleur moyen d'aider la Tunisie pour réaliser ses objectifs qui visent à générer une croissance plus inclusive et à réduire le chômage", a-t-il ajouté.
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