Uhuru Kenyatta, inculpé de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI), a été proclamé samedi élu président du Kenya dès le premier tour, une victoire aussitôt contestée en justice par son rival Raila Odinga.
Le Premier ministre sortant a cependant appelé ses partisans au calme pour éviter une répétition des affrontements sans précédent ayant suivi sa précédente défaite en décembre 2007, car "la violence maintenant pourrait détruire ce pays pour toujours".
La police avait été déployée en force dans plusieurs bidonvilles de Nairobi où les partisans de M. Odinga résident en nombre, mais contrairement à l'explosion de violences qui avait immédiatement suivi la réélection du président Mwai Kibaki il y a cinq ans, aucun trouble particulier n'avait marqué samedi soir l'annonce de la victoire de M. Kenyatta, 51 ans.
L'Union européenne et les Etats-Unis ont félicité les Kényans pour leur vote pacifique et appelé les deux parties à régler leurs différends dans le calme, via les procédures prévues par la Constitution.
Fils de Jomo Kenyatta, premier président du Kenya (1964-1978), Uhuru Kenyatta a franchi d'environ 8.400 voix la barre des 50% des votants requise pour l'emporter dès le premier tour du scrutin de lundi, marqué par une participation record de 85,9%.
Accusé de crimes contre l'Humanité pour son rôle présumé dans l'organisation des violences consécutives au scrutin de fin 2007, M. Kenyatta est le premier inculpé de la CPI à devenir chef de l'Etat.La Cour de La Haye a déjà inculpé le président soudanais Omar el-Béchir en 2009, mais celui-ci était alors au pouvoir depuis vingt ans.
Dans une référence apparente à cette situation politique et juridique inédite, M. Kenyatta a assuré que son pays "continuera de coopérer avec toutes les nations et institutions internationales, conformément à (ses) obligations".
M. Kenyatta a déjà assuré qu'il ne se déroberait pas à ses obligations devant la CPI même en cas d'élection.Son procès doit s'ouvrir le 9 juillet et pourrait durer au moins deux ans.Son vice-président William Ruto doit comparaître à partir du 28 mai à La Haye, également à propos des violences de 2007-2008.
"Les élections ne changent pas la donne en ce qui concerne la CPI car il n'existe pas d'immunité devant la Cour", a réagi le porte-parole du tribunal Fadi el-Abdallah.
M. Kenyatta -- qui a rendu hommage à M. Odinga dans son premier discours présidentiel -- a recueilli au total 6.173.433 voix, soit 50,07% des 12.330.028 bulletins, selon le résultat final proclamé par le président de la Commission électorale, Ahmed Issack Hassan.
Crédité de quelque 800.000 voix de moins que son adversaire (43,31% des votants), Raila Odinga a dénoncé "des irrégularités massives".
Mais celui qui, à 68 ans, a enregistré sa troisième et probable ultime défaite présidentielle, a assuré "faire confiance" à la Cour suprême pour annuler l'élection.
La nomination à la tête de la plus haute juridiction du pays d'un ancien militant réputé des Droits de l'homme, Willy Mutunga, incarne le renouveau des institutions kényanes voulues par l'adoption en 2010 d'une nouvelle Constitution.
"Sans Raila, pas de paix"
Fin 2007, la défaite de M. Odinga avait plongé le pays dans plusieurs semaines de violences avec plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés.
Le président sortant Mwai Kibaki -- qui, à 81 ans, ne se représentait pas cette année -- avait été proclamé vainqueur à l'issue d'un dépouillement entaché de soupçons.
Uhuru Kenyatta était alors un soutien clé de M. Kibaki, issu comme lui de la communauté kikuyu, la plus importante numériquement - 17% des 41 millions d'habitants.
Samedi, une foule nombreuse a envahi les rues de Naivasha, Nakuru et Eldoret, dans la Vallée du Rift qui a voté en masse pour M. Kenyatta.
Des petits groupes en tee-shirts rouges - couleur de Jubilee, la coalition victorieuse - sillonnaient Nairobi aux cris de "Uhuru, Uhuru, Uhuru".
Kisumu (ouest), fief de M. Odinga, oscillait en revanche entre abattement et colère froide.Des jeunes ont brièvement affronté la police à coups de pierre peu après l'annonce officielle des résultats.
"Il faut qu'on reste calme, mais à ce que je vois, certains ne le resteront pas", s'inquiétait Alphonse Omodi, vigile de 30 ans, qui se dit "en état de choc".
"Sans Raila, pas de paix!", avaient scandé en fin de matinée près du bidonville de Kondele, des centaines de jeunes, conspuant la police, alors que des responsables religieux appelaient au calme.
"On ne peut pas reprendre 10 ans" de pouvoir kikuyu, s'insurgeait David Onyango, Luo comme M. Odinga (11% de la population).
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