L'heure des comptes a sonné au Malawi près d'un an après le décès du président Bingu wa Mutharika dont plusieurs anciens ministres ont été arrêtés lundi pour avoir voulu empêcher la vice-présidente Joyce Banda, passée à l'opposition, de lui succéder.
Ces arrestations ont provoqué une manifestation à Blantyre, principale ville de ce pays d'Afrique australe, qui a été dispersée au gaz lacrymogène.
La disparition soudaine du président Mutharika le 5 avril 2012, victime d'un infarctus, avait pris son équipe de court.Pas moins de huit ministres sont aujourd'hui accusés de complot et d'avoir sollicité l'armée pour s'accrocher au pouvoir.
"Un total de onze personnes, des ministres et des hauts fonctionnaires, ont été arrêtées à la suite du rapport d'enquête sur la mort de M. Mutharika", a indiqué le ministre de l'Information Moses Kunkuyu à l'AFP.
Parmi les huit anciens ministres arrêtés figurent Peter Mutharika, le frère de l'ancien président et qui était son dauphin désigné, ainsi que Goodall Gondwe, ancien ministre des Finances puis de l'Energie, que l'actuelle présidente avait nommé au portefeuille de la Planification économique dans le souci d'assurer une alternance en douceur.
Trois d'entre eux, dont M. Gondwe, souffrant d'hypertension, ont été transférés à l'hôpital après un malaise au commissariat, a-t-on appris dans leur entourage.
Tous sont soupçonnés d'avoir voulu empêcher Mme Banda d'accéder à la présidence comme prévu dans la Constitution de ce pays rural qui peine à sortir ses 14 millions d'habitants de la pauvreté et reste très dépendant des donateurs étrangers.
Peter Mutharika et d'autres ministres ont été inculpés de faux témoignage et tentative d'enfreindre la loi, selon l'assistant de M. Mutharika, Ben Phiri.
On ignorait si les onze conspirateurs présumés seraient poursuivis pour trahison, un crime passible de la peine de mort au Malawi.
Parmi les personnalités arrêtées figure le secrétaire de la présidence et du gouvernement Bright Msaka.La présidence a rapidement annoncé qu'il avait été renvoyé et remplacé par son adjointe, Hana Ndilowe.
Le ministre de l'Information Moses Kunkuyu a souligné que les arrestations n'avaient "rien de politique".
Elles ont cependant provoqué la colère d'environ 500 manifestants à Blantyre devant le quartier général de la police, qui a tiré des gaz lacrymogènes.La route de l'aéroport a dû être fermée.
"Le gouvernement doit agir prudemment et s'assurer qu'il a suffisamment de preuves pour obtenir une condamnation, sinon cela ressemblera à une persécution politique", a averti Fidelis Edge Kanyongolo, expert constitutionnel.
Très populaire durant son premier mandat (2004-2009), notamment pour sa politique agricole, Bingu wa Mutharika avait vu ses dernières années assombries par de nombreuses marches anti-gouvernementales et le bain de sang de juillet 2011, quand la police avait tiré sur des manifestants, faisant 19 morts.
Critiqué pour cette dérive autoritaire et rendu largement responsable de l'effondrement de l'économie, il n'était pas parvenu à enrayer les pénuries chroniques de carburant, devises étrangères, sucre et autres biens de première nécessité.
La mort du président n'avait pas été annoncée immédiatement.Un groupe de ministres avait tenu une conférence de presse au soir du 6 avril pour dire qu'il était encore vivant, alors que selon le rapport de la commission d'enquête, il est établi que le chef de l'Etat est décédé dans l'ambulance qui le conduisait vers l'hôpital de Lilongwe après s'être effondré dans son palais à 11H10 le 5 avril 2012.
Visiblement décidés à gagner du temps, plusieurs ministres ont enchaîné les réunions.Peter Mutharika, ministre des Affaires étrangères à l'époque, a suggéré que l'armée puisse prendre le pouvoir et demandé au secrétaire en chef du gouvernement Bright Msaka "si ce ne serait pas une bonne idée", selon le rapport d'enquête.
L'ancien ministre des Finances Goodall Gondwe a pour sa part demandé au commandant de l'armée Henry Odillo de prendre les commandes du gouvernement au cas où le projet ne serait pas soutenu par la population et entraînerait des violences, selon le rapport.
Pendant ce temps, le corps du défunt était transporté en Afrique du Sud, plongeant le pays dans l'incertitude.
Mme Banda avait finalement été investie le 7 avril, quelques heures après l'annonce officielle de la mort du président, effectuée avec deux jours de retard et non sans pressions diplomatiques.
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