Gabon: frondeur, mal vu mais adulé des jeunes, le rap survit du système-D

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LIBREVILLE (AFP)

Souvent contestataire, le rap gabonais, omniprésent chez les jeunes, élargit son audience en marge des principaux circuits médiatiques et malgré l'absence de réseau de distribution, de droits d'auteur ou de structures de concerts.

"Le jour où ça ira bien au Gabon, je chanterais peut-être du zouk ou du reggae.Pour le moment, je rappe", affirme "Buju" du groupe "Mudjah Soldiers", un nom faisant à la fois allusion au "feu" en langue Punu (ethnie du sud du Gabon) et au mot arabe "moudjahidine".

"Le rap, c'est parler des politiciens, de la gestion du pays, de la souffrance des Gabonais, le chômage, les problèmes sociaux.A travers, le rap, on parle de choses dont on ne parle pas ou qui sont interdites", explique-t-il.

"Beaucoup de mes copains d'enfance sont devenus malfrats, voleurs ou ont fini dans des mauvais coups", explique Buju dont un des textes dit: "Le rythme de cette life, nous fait djooser (danser) le Kwasha-Kwasha.Est-ce que tu vois ça?Ils veulent foutre la merde comme à Brazza, nous séparer en deux camps opposés comme à Gaza".

La plupart des rappeurs gabonais évoquent la condition du pays.Ziam, de Pacificator, genre de Black Eyed Peas gabonais-camerounais, parle de "Génération fichue" mais souligne: "il n'y a pas que la pauvreté.La jeunesse s'ennuie.Il n'y a rien pour se libérer.Que les boites de nuit, l'alcool, le sexe, la drogue.Il n'y a rien d'autre".

Tina dans "Folle" évoque elle pauvreté et corruption: "L'argent traîne dans les caisses de l'Etat, les petits fonctionnaires deviennent des hommes redoutables.Donc s'il y a moyen tu prends la tune et tu décales".

Ha-Yoe, un des groupes ayant le plus du succès avec Movaizhaleine a aussi commencé par des paroles au lourd contenu social: "Il y a des malades ici, des indigents ici, des pauvres ici, des Gabonais ici.(...) Les grèves dans tous les sens, les entreprises ferment, le taux de chômage devient immense (...) La hausse des prix, de l'autre côté les délestages (coupures de courant).Il y a trop de problèmes, le peuple crie +à l'aide+.Si ça change pas les gens seront morts raides.Au secours".

Aujourd'hui beaucoup critiquent Ha-Yoe pour son ralliement pendant la campagne présidentielle à Ali Bongo Ondimba, élu président en 2009."Ha-Yoe, on voyait bien qu'ils faisaient partie du système mais il ne faut pas se voiler la face", affirme un rappeur, sous couvert de l'anonymat."Ici, tu ne peux pas vivre de ta musique.Les politiciens et entreprises l'ont bien compris.Chacun s'attache son rappeur.S'il y avait d'autres structures pour la musique ce serait différent".

Aujourd'hui, Tina, une des +stars+ poursuit "des études en Afrique du Sud grâce à ses parents" alors que les membres de 241 sont étudiants au Ghana.

"C'est impossible ou presque de vivre de la musique.Au Gabon, il n'y a pas de salles, peu de concerts.Il n'y a pas non plus de droits d'auteur" pour la diffusion, ni d'industrie du disque (les CD pirates prennent obligatoirement le pas sur les officiels), souligne Tina.

"Ca fait longtemps qu'on est dans le +game+.Ca ne bouge pas.Pour enregistrer, c'est système-D", affirme Buju."Tout le monde doit bosser.On réunit de l'argent, peu à peu.Et petit à petit, on fait un CD: studio, presser les disques, faire la communication.Ca prend des mois et des mois, et selon ce qu'on a en poche", explique Mister Free de Pacificator.

"Les télévisions ou les medias dominants ont peur de nous diffuser", souligne Christophe Ndtoutoume, le manageur de Nofia Sound, une des deux structures de production gabonaises."Les gens voient les rappeurs comme des voyous, du mauvais genre.Pourtant, il suffit de regarder autour de soi, les jeunes écoutent majoritairement du rap".

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