Au Liberia, la pauvreté décime la forêt tropicale

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JALAY TOWN (Liberia) (AFP)

Un rondin fume encore parmi les souches d'arbres calcinées et, déjà, Marita Worjiloh sème des graines dans le sol fertile de la forêt libérienne.Elle sait que la culture sur brûlis décime la forêt.Mais "je n'ai pas d'autre moyen de faire de l'argent", dit-elle.

Au moment où les défenseurs de l'environnement appellent à préserver la forêt tropicale - pour lutter notamment contre le changement climatique -, c'est bien la pauvreté qui pousse Marita et ses proches à raser de larges portions de la forêt pour en faire des terres cultivables.

"Sans la forêt, nous ne vivrions pas une bonne vie", admet cette paysanne libérienne de 23 ans, sur les terres de Jalay Town (plus de 350 km au nord de Monrovia).Mais, enceinte de six mois et avec deux bébés à nourrir, Marita est avant tout soucieuse de faire vivre les siens.

"C'est la pauvreté qui conduit les gens à brûler le charbon de bois comme source de carburant et c'est la pauvreté qui conduit les gens à développer cette agriculture non durable dont nous parlons", affirme Johansen Voker, qui dirige l'agence gouvernementale de protection de l'environnement.

"Ils pensent que s'ils coupent un arbre pour produire le charbon de bois, ce charbon de bois mettra un bol de riz sur leur table", ajoute-t-il.

Les habitants du Liberia ont toujours compté sur leur forêt, pour y puiser leur nourriture, pratiquer la médecine traditionnelle ou s'y réfugier pendant les deux guerres civiles successives, de 1989 à 2003.

Les paysans libériens abattent régulièrement des arbres, brûlant leurs restes pour conserver les cendres riches en substance nutritive et cultiver le riz ou le manioc.

Chaque année, le Liberia perd plus de 2% de sa couverture forestière, estime M. Voker."Vous pouvez imaginer ce qui arrivera dans 20 ans.La forêt aura disparu".

La forêt libérienne représente actuellement 40% de ce qui reste de la forêt tropicale humide guinéenne, petite partie d'un système fragmenté qui recouvrait autrefois la plupart de l'Afrique de l'Ouest.

Selon un rapport sur la déforestation, publié en 2010 par l'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'Afrique a perdu 3,4 millions d'hectares de forêt au cours de la dernière décennie.

La couverture forestière du continent est concentrée dans ses parties occidentales et centrales, principalement dans des pays qui ont été ravagés par des guerres.

Les conflits au Liberia et en Sierra Leone ont ainsi poussé au départ plus d'un million de personnes qui se sont réfugiées dans les régions boisées de la Guinée et de la Côte d'Ivoire, une des régions où la biodiversité est la plus importante de la planète.

Pour Richard Sambolah, conseiller technique de l'organisation britannique Fauna and Flora International interrogé par l'AFP, la guerre au Liberia a accru l'exploitation de la forêt, en "intensifiant la pauvreté dans le pays"."Il n'y a pas d'emplois et quasiment 80 à 90% de la population dépend de la forêt", assure-t-il.

Selon M. Voker, le ministère libérien de l'Agriculture essaie d'aider les cultivateurs à développer une agriculture "durable", de plaines et de marais, censée être plus productive, plus rentable...Mais les fermiers, réticents à abandonner l'agriculture traditionnelle, "doivent appliquer des changements radicaux", dit-il.

Dans un village voisin, Fiona Pamplin, de l'organisation Fauna and Flora international, organise des spectacles pour expliquer les ravages de la déforestation."Les gens comprennent vraiment très bien mon message, dit-elle, mais ils posent toujours la question : qu'est-ce qu'on est censés faire à la place?".

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