Policiers et soldats étaient déployés en force vendredi à Khartoum avant de nouvelles manifestations à travers le pays secoué depuis cinq jours par un mouvement de contestation qui a fait des dizaines de morts.
Depuis la décision lundi du gouvernement de lever des subventions sur les carburants, les Soudanais ont manifesté en masse dans plusieurs régions et les protestations ont par endroits dégénéré avec des heurts et des biens publics et privés attaqués.
De nouvelles protestations sont attendues à la sortie des mosquées après la prière de la mi-journée, à l'appel de militants réclamant la démission du président Omar el-Béchir.Sadek al-Mahdi, figure de proue de l'opposition, a aussi appelé à la mobilisation contre le régime.
Le gouvernement continue de garder officiellement le mutisme, même si la télévision d'Etat et le gouverneur de Khartoum ont averti que la police empêcherait "toute atteinte à la sécurité, aux biens et aux personnes", lors de cette contestation d'une ampleur inégalée depuis l'arrivée au pouvoir de M. Béchir en 1989.
Deux organisations de défense des droits de l'Homme ont accusé les forces de sécurité d'avoir délibérément tiré sur les manifestants, et fait état de 50 morts à travers le pays.
Mais selon des sources hospitalières et la police, 29 personnes ont péri.La plupart sont des civils tués par la police, ont précisé témoins et proches.
Les habitants font des provisions
En prévision de nouveaux rassemblements, la police a été déployée en force dans la capitale soudanaise, épaulée à certains endroits par l'armée.
Les soldats étaient postés autour de certains bâtiments officiels, dont la compagnie de l'Electricité, selon le correspondant de l'AFP.
Les militaires gardaient également les stations-services encore ouvertes et devant lesquelles s'allongeaient des files de dizaines de voitures.Les stations-services avaient été l'une des cibles des attaques de "hors-la-loi" qui en ont incendié ou endommagé plusieurs, selon la télévision officielle.
En ce jour férié, la circulation était fluide et les habitants se pressaient pour acheter surtout des denrées alimentaires dans les magasins restés ouverts, en cas d'aggravation de la situation.
"Je veux que ma famille ait assez de provisions, car nous ne savons pas où vont les choses", a affirmé un employé de 50 ans, Ahmad Hassan, qui achetait des boîtes de conserve.
Dans un communiqué, "l'alliance des jeunes de la révolution soudanaise", qui contribue à l'organisation de la contestation sur les réseaux sociaux, a demandé "au peuple soudanais de poursuivre sa révolution", réclamant "la démission du chef de l'Etat (...) ainsi que du gouvernement corrompu".
L'internet qui avait été de nouveau rétabli jeudi est de nouveau coupé.
Black-out sur les manifestations
Le parti Oumma de l'ex-Premier ministre Sadek Al-Mehdi a appelé dans un communiqué ses membres à participer aux manifestations et "le peuple soudanais à intensifier les protestations".
"Liberté, Liberté"!, "Le peuple veut la chute du régime", ont scandé les manifestants ces derniers jours, reprenant ainsi le slogan phare du Printemps arabe.
La police était intervenue pour disperser les manifestants dans plusieurs régions à l'aide de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, selon les témoins.
Mais selon African Centre for Justice and Peace Studies et Amnesty International, 50 personnes ont péri lors des manifestations après avoir été touchées par balles à la tête ou à la poitrine mardi et mercredi.
Et les deux ONG ont exprimé leur "profonde inquiétude" sur les informations faisant état de l'arrestation de centaines de manifestants.
�??Tirer pour tuer -en visant notamment la tête et la poitrine- est une violation flagrante du droit à la vie, et le Soudan doit immédiatement cesser cette violente répression", a estimé Amnesty International.
Cherchant à museler la presse, les autorités ont saisi ou empêché de paraître trois journaux, pourtant pro-gouvernementaux, pour maintenir le black-out sur les manifestations, ont indiqué des journalistes.Il s'agit des quotidiens Al-Soudani, Al-Majhar Al-Siassi et Al-Watan.
Le Soudan connaît depuis 2012 des manifestations sporadiques contre le régime mais sans attirer les foules comme dans plusieurs pays de la région, où des chefs d'Etat ont été renversés par la rue.
Le Soudan a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l'indépendance il y a deux ans du Sud.Il est depuis touché par une inflation galopante et peine à financer ses importations.
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