Des milliers de manifestants ont accusé samedi le président soudanais Omar el-Béchir d'être un "assassin", au sixième jour d'une contestation meurtrière déclenchée par une hausse du prix des carburants dans un pays plongé dans la crise et les violences.
"Béchir, tu es un assassin", ont scandé 2.000 manifestants, dont des femmes et des enfants, après les funérailles de Salah Mudathir, un pharmacien de 28 ans tué lors d'une manifestation vendredi à Khartoum Bahri, au nord de la capitale.
Selon les autorités, 33 personnes ont été tuées dans les affrontements qui ont parfois suivi les manifestations depuis lundi à travers le pays, mais des organisations de défense des droits de l'Homme ont évoqué un bilan de 50 morts pour les seules journées de mardi et mercredi.
"Liberté!Liberté!", ont scandé les manifestants, selon des témoins, en appelant à la chute du régime islamiste du président Béchir.
La manifestation a ensuite été dispersée par les forces de l'ordre à coups de gaz lacrymogène selon des témoins, comme les protestations des jours précédents.
Un journaliste de l'AFP a vu des agents des services de sécurité arrêter six personnes.
Le ministère de l'Intérieur a annoncé vendredi soir que 600 personnes avaient été arrêtées pour "leur participation aux actes de vandalisme" et qu'elles allaient être jugées la semaine prochaine.
Le gouvernement continue de garder le silence face à cette contestation d'une ampleur inédite depuis l'arrivée au pouvoir du président Béchir en 1989, mais les écoles ont été fermées jusqu'à lundi.
Issu d'une riche famille connue dans les affaires et la politique, Salah Mudathir n'était pas représentatif des manifestants qui déferlent dans les rues depuis lundi, essentiellement issus des classes défavorisées, selon des experts.
"C'est maintenant une révolte des quartiers", a expliqué Magdi El Gizouli, expert au Rift Valley Institute."Ce sont des manifestations de sans-voix" qui n'ont pas de perspectives dans un pays plongé dans le marasme économique.
Le pays, qui a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis la partition en juillet 2011 du Soudan du Sud, est frappé par une inflation galopante et peine à financer ses importations.
"Une balle dans le c�?ur"
Selon M. Gizouli, le mouvement actuel est très différent de celui de juin 2012, qui avait également vu de nombreuses manifestations sporadiques alors menées par les étudiants et les militants de l'opposition.
Sans préciser l'identité des victimes, la police a fait état de quatre civils tués vendredi dans Khartoum et sa banlieue, affirmant qu'ils étaient tombés sous les balles d'inconnus.
La police avait jusqu'alors évoqué un bilan de 29 morts, sans préciser les circonstances de ces décès.
Selon des témoins et des proches des victimes, la plupart des civils tués cette semaine l'ont été par balles par la police.Salah Mudathir a ainsi été "tué d'une balle dans le c�?ur" alors qu'il manifestait vendredi soir, a déclaré son cousin à l'AFP.
Le parti d'opposition Oumma de l'ex-Premier ministre Sadek Al-Mehdi a appelé pendant la semaine à poursuivre le mouvement, tandis que des militants ont réclamé "la démission du chef de l'Etat (...) ainsi que du gouvernement corrompu".
Samedi après-midi, aucun mot d'ordre n'avait été donné pour la journée de dimanche.
Journalistes en grève
Le Réseau des journalistes soudanais, une organisation non officielle, a annoncé que ses membres cesseraient de travailler à partir de samedi en raison des tentatives du pouvoir de les empêcher de couvrir le mouvement de protestation.
"Nous voyons notre peuple être tué et nous ne pouvons ignorer cela", a déclaré dans un communiqué ce groupe revendiquant 400 membres.
Pour tenter de maintenir le black-out médiatique sur les manifestations, les autorités ont fermé vendredi les bureaux d'Al-Arabiya et de Sky News Arabiya à Khartoum, selon les deux chaînes satellitaires arabes, et saisi ou empêché de paraître trois quotidiens pourtant pro-gouvernementaux.
Les Etats-Unis ont condamné vendredi "la répression brutale" et "disproportionnée" menée par le gouvernement soudanais et l'Union européenne s'est dite "inquiète".
Outre cette vague de protestations, Omar el-Béchir, recherché par la Cour pénale internationale pour génocide et crimes de guerre au Darfour, fait face depuis deux ans à une rébellion armée dans les régions frontalières du Soudan du Sud et à une recrudescence des violences au Darfour, essentiellement entre tribus arabes.
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