Libye: face aux milices, l'impuissance de l'Etat

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Tripoli (AFP)

L'enlèvement jeudi du Premier ministre libyen par des ex-rebelles met en évidence l'impuissance de l'Etat face à de multiples groupes armés, pourtant censés opérer sous les ordres des autorités libyennes.

Ali Zeidan a été enlevé dans son hôtel à Tripoli, où il résidait depuis plusieurs mois justement pour des raisons de sécurité. 

Ses gardes du corps, qui semblent avoir été surpris par l'assaut, sont à l'image des forces de sécurité libyennes: indisciplinés et mal formés. 

L'armée nationale étant toujours en cours de construction, ce sont les milices, aguerries par leurs combats contre les forces du dictateur déchu Mouammar Kadhafi en 2011, qui sont montées en puissance, profitant du vide sécuritaire après la chute du régime kadhafiste.

Après l'effondrement de l'ancien régime, qui a entraîné dans sa chute toutes les institutions, les autorités de transition ont confié aux ex-rebelles le contrôle des frontières, des prisons et des installations stratégiques du pays, donnant à ces milices une légitimité et un sentiment d'impunité.

Les autorités ont distribué par ailleurs à tour de bras différents avantages et primes à ces groupes de combattants qui ont hérité d'un important arsenal militaire à l'issue du conflit de 2011.

Les milices profitent également de leurs positions pour contrôler la contrebande et se livrer à du racket.

Ces groupes aux idéologies et motivations diverses refusent obstinément de déposer les armes, malgré les différents plans d'intégration dans les institutions de l'Etat, notamment les organes de sécurité, proposés par le gouvernement.Leur argument est que "la révolution n'est pas finie" et qu'ils garderont leurs armes jusqu'à la réalisation de ses objectifs.

En mars dernier, le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique du pays, avait ordonné l'évacuation des groupes armées en dehors de Tripoli.Mais cet ordre n'a jamais été mis à exécution.

Encouragées par l'incapacité des autorités à reconstruire une armée et une police professionnelles, ces milices imposent leurs volontés par les armes.Elles ont par exemple assiégé trois ministères en avril pour faire adopter une loi excluant du pouvoir les anciens collaborateurs du régime de Kadhafi.

Les autorités sont tiraillées par des choix difficiles: recourir à la force au risque d'envenimer une situation instable, ou négocier, ce qui pourrait donner des signes de faiblesse de l'Etat.

Après avoir tenu des propos fermes envers ces groupes incontrôlables, le Premier ministre Ali Zeidan a été contraint récemment de tempérer son discours après avoir été rappelé à l'ordre par ces groupes, et d'affirmer qu'"il n'y a pas de milices en Libye" mais seulement des thowars (révolutionnaires).

La moindre victime pourrait déclencher un conflit meurtrier, selon les analystes, en raison du caractère tribal de la société libyenne.

Le gouvernement évoque à ce sujet sa volonté d'épargner les vies.Mais en réalité c'est un aveu d'impuissance de l'avis de l'ex-ministre de l'Intérieur démissionnaire Achour Chawayel, qui a déclaré récemment à une télévision locale qu'"aucune force ne voulait s'engager pour combattre" les milices.

Selon plusieurs observateurs libyens, ces milices s'attaquent au pouvoir à chaque fois qu'elles estiment que leurs intérêts sont menacés par les nouvelles autorités.

"L'enlèvement de Zeidan prouve la déliquescence de l'Etat libyen (...) et ce sont ceux qui détiennent les armes au nom de certaines idéologies qui gouvernent réellement le pays", a indiqué à l'AFP un analyste libyen sous couvert de l'anonymat.

Pour Khaled al-Fadhli l'enlèvement de Zeidan, cinq jours après la capture à Tripoli d'un chef présumé d'Al-Qaïda par un commando américain, "illustre le risque d'un possible glissement du pays dans un tunnel obscur".

Selon lui "il se pourrait que le pays soit entraîné dans la spirale de la guerre civile et des actes de vengeances terroristes perpétrés par al-Qaïda", alors que "seul un dialogue inclusif sérieux et transparent est à même de permettre à la Libye de réussir sa transition démocratique".

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