"Je n'ai pas d'indice physique pour identifier un Boko Haram", explique sans détour Augustine Awa Fonka, gouverneur de l'Extrême-Nord du Cameroun, où des membres du groupe armé islamiste nigérian peuvent se fondre facilement parmi les réfugiés passant régulièrement la frontière.
Dans la nuit du 13 au 14 novembre, le prêtre français Georges Vandenbeusch a été enlevé par des hommes armés non loin de Maroua, le chef-lieu de la région.Une source au sein du groupe a revendiqué le rapt, qui inquiète la population et fait désormais planer le doute sur tout Nigérian qui traverse la frontière.
"Jusqu'à présent, on ne voyait pas leur avancée.On se disait que c'est une affaire de l'autre côté", explique le père Henri Djonyang, vicaire général du diocèse.Mais désormais, dans l'un des camps de réfugiés de la région, des populations effrayées "disent observer des entrées sporadiques des Boko Haram", selon lui.
Dans l'Extrême-Nord, les autorités estiment à au moins 10.000 le nombre de Nigérians ayant passé la poreuse frontière depuis que l'armée nigériane a lancé en mai son offensive contre Boko Haram.
Désormais, ces voisins deviennent encombrants et la population commence à se méfier de tout le monde: "Partout où ils se retrouvent, il y a un danger", affirme ainsi Halilou, le lamido (chef de village) de Pété, près de Maroua.
"Jusqu'à quand vont-ils séjourner au Cameroun, alors qu'ils sont pourchassés chez eux?C'est inquiétant", ajoute-t-il.
"J'ai peur à l'idée qu'ils s'implantent durablement ici.Au Nigeria, ils prennent pour cibles ceux qui ne pensent pas comme eux", redoute également Nicodem Abba, un chrétien.
Pour l'imam de la mosquée du quartier Dougoï à Maroua, Dalil Hayatoua, le danger désormais, c'est l'amalgame: "Humainement, on ne peut pas barrer la route aux réfugiés nigérians.Ce qui serait dangereux, c'est de leur donner d'office l'étiquette de terroriste".
Des islamistes présumés ont souvent été arrêtées dans les zones frontalières de la région.Des refoulements de suspects sont également observés, mais les autorités le font avec prudence, de manière à ne pas mécontenter Boko Haram, craignant des représailles, selon certains observateurs.
Contrôle des prêches
La ville de Maroua est peuplée majoritairement de musulmans.Même si la quasi-totalité des habitants saluent "l'harmonie" entre musulmans et chrétiens, la crainte de voir se propager l'idéologie de Boko Haram se répand.
"Il existe une population locale qui peut être manipulée et est même dans la méconnaissance de l'islam", souligne le lamido Halilou: "cette catégorie est minoritaire, mais elle pourrait devenir importante du fait d'une jeunesse en mal d'existence, d'une pauvreté ambiante et de la mauvaise gestion de la cité", juge-t-il.
Dans son village, le lamido a créé un comité de gestion de la mosquée pour contrôler les discours lors des prêches."Aucun marabout, aucun imam ne peut venir sans l'accord préalable de l'imam principal pour faire des prêches", explique-t-il.
Si un prédicateur dérape lors d'un prêche, "on l'interrompt immédiatement et on le fait sortir", assure-t-il, en préconisant une généralisation de ces mesures.
Officiellement, les autorités ne veulent pas placer les mosquées sous contrôle au nom de la "liberté de culte", selon le gouverneur.
Le prêtre spiritain espagnol, Juan Atonio Azaz, installé dans la région depuis 23 ans, craint lui une menace de l'intérieur même de l'Extrême-Nord.
"Il émerge dans la région depuis 40 ans (...) un islam militant qui veut s'imposer.Ce n'est pas seulement un projet religieux mais un projet politique" visant à instaurer un Etat islamique, s'inquiète le missionnaire.
"Mais il n'y pas encore ce projet politique à Maroua, comme c'est le cas au Nigeria", tempère-t-il toutefois.
Boko Haram, lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique, prône un islam rigoriste et la création d'un Etat islamique dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.Ses attaques et la répression des forces gouvernementales ont fait plusieurs milliers de victimes depuis 2009 au Nigeria.
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