L'ONU a autorisé jeudi les forces françaises à intervenir en Centrafrique en appui à une force internationale, quelques heures après un nouveau massacre inter-religieux à Bangui et le déploiement de soldats français dans la ville.
Des tirs d'armes automatiques ont éclaté avant l'aube dans la zone du PK-12, dans le nord de la capitale, pour s'étendre à d'autres quartiers, avant de diminuer d'intensité en fin de matinée.
Dans l'après-midi, des journalistes de l'AFP ont comptabilisé au moins 54 cadavres rassemblés dans une mosquée du centre-ville, et 25 cadavres gisant dans les rues voisines, abandonnés sur le bas côté.Les corps portaient des marques de blessures à l'arme blanche et par balles.
Peu auparavant, Médecins sans frontières (MSF) avait fait état d'au moins 10 morts et 65 blessés recensés pour un seul hôpital de la ville, laissant présager un nombre bien plus élevé de victimes.
La Centrafrique est plongée dans le chaos et un engrenage de violences communautaires et inter-religieuses entre chrétiens et musulmans depuis le renversement en mars du président François Bozizé par une coalition hétéroclite à dominante musulmane, la Séléka.
Ces violences se sont multipliées ces dernières semaines, à Bangui et en province, dans un pays en totale décomposition, comptant 4,6 millions d'habitants sur un territoire grand comme la France, au coeur du continent.
"Protéger les civils"
La résolution de l'ONU, adoptée à l'unanimité des 15 pays membres du Conseil sur proposition de la France -- ancienne puissance coloniale -- autorise les soldats français en RCA à "prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la Misca (force africaine en RCA) dans l'accomplissement de son mandat".
La Misca pourra se déployer "pour une période de douze mois", avec pour mission de "protéger les civils, rétablir l'ordre et la sécurité, stabiliser le pays" et faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire.
La force doit compter jusqu'à 3.600 hommes, mais n'en rassemble pour l'instant que 2.500, mal équipés et entraînés.
Dans le cadre de l'opération Sangaris (du nom d'un papillon rouge), la France dispose déjà sur place d'environ 600 hommes.Elle doit tripler son contingent, qui passera à 1.200 hommes, chargés notamment de sécuriser l'aéroport de Bangui et les principaux axes par où transiteront les convois humanitaires.
Dès que le président français François Hollande "aura donné le top, les choses vont aller très vite", a prévenu son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, alors que se tient ce vendredi et samedi à Paris un sommet franco-africain sur la paix et la sécurité en Afrique.
"Vu l'urgence, mon souhait est que l'intervention se fasse (...) immédiatement après la résolution", a déclaré de son côté depuis Paris le Premier ministre centrafricain Nicolas Tiangaye.
Selon le porte-parole de l'état-major français, le colonel Gilles Jaron, "environ 250 soldats français se sont déployés" jeudi matin dans Bangui" depuis leur base près de l'aéroport, avec pour mission de "sécuriser les points sensibles" et de regroupement pour les étrangers.
"Vers 03H00 (02H00 GMT), il y a eu des accrochages entre des ex-Séléka et des éléments armés non identifiés (...) les forces françaises ont dû réagir", a-t-il expliqué.
Soif de vengeance
Dans une allocution radio-diffusée à la mi-journée, le président Michel Djotodia, issu des rangs de l'ex-rébellion Séléka, a appelé la population terrorisée "à garder son calme": "l'armée française est une amie de la Centrafrique", les soldats français "ne se sont pas déployés pour soutenir un camp au détriment d'un autre", a-t-il souligné.
M. Djotodia a par ailleurs annoncé l'extension immédiate de quatre heures du couvre-feu, imposé désormais de 18H00 à 06H00.
Les autorités ont imputé la responsabilité des incidents en cours à des milices chrétiennes "anti-balaka" (anti-machettes) et à des éléments favorables au président déchu François Bozizé.
Selon un officier supérieur de la Misca, les tirs ont commencé après que des ex-rebelles Séléka, intégrés dans les nouvelles forces de sécurité, eurent détecté des "infiltrations" de ces miliciens "anti-balaka", dans le quartier de Boy-Rabe, près de l'aéroport.
Alors que des responsables occidentaux avaient mis en garde sur une situation de "pré-génocide" dans le pays, ces nouvelles violences font planer le spectre de massacres à grandes échelles, au milieu d'une anarchie généralisée.
Signe de l'extrême tension régnant dans la ville, les abords de la mosquée du PK15, où étaient rassemblés les 54 cadavres, étaient bondés d'hommes armés de machettes et assoiffés de vengeance.
Les rues voisines, dans lesquelles gisaient d'autres corps, étaient désertes ou livrées aux pillages.Partout ailleurs dans Bangui terrorisé, les habitants restaient terrés chez eux, dans une ville aux artères désertées, et uniquement sillonnées par les pick-up des combattants Séléka surarmés.
Selon des Banguissois joints au téléphone par l'AFP, des groupes d'ex-rebelles, désireux de se venger des attaques de certaines de leurs positions dans la matinée, écumaient les quartiers et défonçaient les portes des maisons, à la recherche "d'infiltrés" présumés.
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