Soudan: le remaniement du gouvernement d'Omar el-Béchir est lancé

Le remaniement évoqué par Khartoum en novembre, après une scission au sein du parti au pouvoir, a été lancé dimanche et le nouveau gouvernement devrait comprendre d'autres partis alors que l'administration du président Omar el-Béchir est de plus en plus critiquée.

Deux nouveaux vice-présidents ont été nommés dimanche, dont l'un des meneurs du coup d'Etat ayant porté M. Béchir au pouvoir en 1989, a annoncé le Parti du Congrès national (NCP, au pouvoir). 

Selon un haut responsable du NCP, Rabbie Abdelatti Ebaid, la composition définitive du nouveau gouvernement devrait être annoncée dans les 24 heures et inclure des membres d'autres partis politiques.

L'annonce survient alors que les critiques contre la politique du président Béchir se sont multipliées depuis que le gouvernement a cessé de subventionner les carburants, faisant bondir les prix de 60% et déclenchant fin septembre un mouvement de contestation sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de M. Béchir.

Les forces de sécurité ont réprimé les manifestations, faisant plus de 200 morts selon Amnesty International, les autorités faisant état de leur côté d'un bilan au moins inférieur de moitié.

M. Béchir avait laissé entendre à la mi-novembre qu'un important remaniement était imminent, après que son parti eut expulsé un groupe de dissidents dont le plus en vue, son ex-conseiller Ghazi Salaheddine Atabani.

Ces réformateurs avaient critiqué la répression sanglante des manifestations, accusant le gouvernement d'avoir trahi les fondements islamiques du régime.

Deux nouveaux vice-présidents

Dimanche, Bakri Hassan Saleh, un ancien ministre de l'Intérieur et de la Défense, a été nommé premier vice-président, tandis que Hassabo Mohammed Abdel Rahmane devient deuxième vice-président, a annoncé M. Ebaid.

M. Saleh était ministre des Affaires présidentielles dans le gouvernement que M. Béchir a limogé la semaine dernière.M. Abdel Rahmane a de son côté été secrétaire politique du NCP.

M. Saleh était un des meneurs du coup d'Etat ayant porté, avec le soutien des islamistes, M. Béchir au pouvoir il y a 24 ans.

Robert O. Collins, auteur de l'ouvrage "A History of Modern Sudan", le décrit comme étant "un défenseur efficace et sinistre de la révolution", dans une allusion au coup d'Etat, et rappelle qu'il a été chargé de reconstruire les services de renseignements du pays.

Le chef de l'Etat avait annoncé samedi que le vice-président Ali Osmane Taha, autre figure clé du coup d'Etat de 1989, avait "volontairement" présenté sa démission pour ouvrir la voie à un nouveau cabinet.

M. Taha "est le fer de lance et le leader du changement dans la formation du nouveau gouvernement", avait ajouté le président sans plus de détails.

M. Taha avait dirigé le parti du Front islamique national qui avait soutenu le coup d'Etat de 1989.Il était devenu par la suite premier vice-président avant de laisser la place à l'ex-dirigeant rebelle John Garang en juillet 2005 en vertu de l'accord de paix ayant mis un terme à 22 ans de guerre civile et conduit au final à l'indépendance du Soudan du Sud en 2011.

Après la mort de Garang dans un accident d'hélicoptère un mois plus tard, M. Taha était maintenu au poste de second vice-président avant de repasser à celui de premier vice-président.

Des analystes avaient l'an dernier affirmé que M. Taha serait un possible successeur du président Béchir si ce dernier quittait le pouvoir.

Mais Hassan al-Tourabi, qui avait soutenu Omar el-Béchir avant de passer à la dissidence et de former un parti d'opposition, avait évoqué des rivalités entre MM.Taha et le président.

M. Béchir a assuré samedi qu'"il n'y avait pas de divergences ou de conflit concernant la formation du nouveau gouvernement", selon l'agence officielle SUNA.

D'après des experts, les manifestations spontanées de septembre ont montré l'urgence de mener des réformes dans le pays, miné par une profonde crise économique, un isolement international et des mouvements rebelles actifs dans plusieurs régions.