De l'église Saint-Paul surplombant le fleuve qui coule paisiblement entre les rives verdoyantes à la sortie de Bangui, le chant, mélodieux et grave, repris par des centaines de fidèles, monte dans l'azur de ce dimanche matin ensoleillé: "de tout notre coeur, nous t'implorons".
Ils sont plus de 2.000 réfugiés dans l'enceinte de la paroisse depuis jeudi, lorsque le déferlement de violences a commencé dans la capitale centrafricaine.Enfants et femmes sont adossés aux murs de briques rouges de l'église.Ils dorment là sur des nattes.Un détachement de la force africaine les protège.
"C'est triste.On regarde.On ne comprend pas", dit un soldat, qui ajoute: "ce sont des familles.Moi aussi, j'ai une famille au pays".
Aymard s'est précipité avec son épouse et leurs trois enfants à la paroisse cette matinée de jeudi: "au quartier, c'était pas beau".Depuis il attend.Combien de temps va-t-il rester ici: "je ne sais pas".
Chaque jour, l'archevêque de Bangui et chef de l'église catholique centrafricaine, Mgr Dieudonné Nzapalainga, un des hommes les plus respectés du pays, toutes confessions confondues, vient leur rendre visite.
Fils de petits paysans de l'est de la Centrafrique, où musulmans et chrétiens vivent ensemble depuis des générations et où un enfant chrétien peut porter un prénom musulman, et inversement, c'est un homme qui sait parler avec des mots simples.
Il célèbre la messe en sango, la langue du peuple.Il parle de paix, de réconciliation et de partage.Au moment de la quête, ces déplacés dans leur propre quartier, qui n'ont jamais eu grand-chose et n'ont presque plus rien, donnent.Pour ceux qui ont tout perdu.
Une pièce de 100 francs CFA (15 centimes d'euro) dans la paume de la main, une vieille femme dit: "pour certains compatriotes, c'est pire".
"Message aux femmes et aux hommes de bonne volonté
Pour que sa voix porte au-delà des frontières, l'archevêque reprend une partie de ses propos en français: "message d'apaisement aux fidèles, aux femmes et aux hommes de bonne volonté".
Message de paix mais dénonciation implacable des auteurs des exactions et de ceux qui les ont initiées, qui ont jeté de l'huile sur le feu et continuent d'alimenter le brasier.Les mots tombent comme des couperets: "barbarie", "logique criminelle", "amalgame".
"Nous condamnons toute récupération politique" de la tragédie débutée "au petit matin du 5 décembre", dit-il: "nous réitérons que tous les chrétiens ne sont pas des anti-balaka (miliciens chrétiens) et que tous les musulmans ne sont pas des Séléka".
Jeudi, des massacres inter-religieux ont commencé à ensanglanter Bangui, faisant près de 400 morts en trois jours.
Après avoir subi des mois durant les exactions des ex-rebelles Séléka, arrivés au pouvoir en mars avec à leur tête l'actuel président Michel Djotodia, venus du nord du pays et pour la plupart se revendiquant musulmans, beaucoup de Centrafricains, très majoritairement chrétiens, aspirent à la vengeance.
Cette colère des populations contre les Séléka, s'est traduite en septembre par la constitution de milices d'autodéfense paysanne, les anti-balaka ("anti-machettes").Elle s'est progressivement reportée contre les civils musulmans, avec massacres et cycle infernal de représailles.
"La République centrafricaine appartient à tous ses enfants", répète l'archevêque.Survolant la ville, un hélicoptère de combat de l'armée française qui, avec le feu vert de l'ONU a commencé à sécuriser la ville, passe au-dessus de la paroisse.
Environ 1.600 soldats français étaient déployés dimanche en Centrafrique, pour l'essentiel dans Bangui, où aucun accrochage avec des miliciens n'a eu lieu depuis jeudi.
Répétant des mots entendus dans toute la ville depuis des jours, Aymard demande: "on veut que tout ça, des morts, la peur, s'arrête".
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