Les rebelles sud-soudanais ont lancé mardi une vaste offensive pour reprendre la ville stratégique de Malakal aux forces gouvernementales, faisant voler en éclats le cessez-le-feu signé laborieusement fin janvier par les belligérants.
L'offensive, que dès lundi l'armée sud-soudanaise disait craindre, a débuté tôt mardi et semble être la plus sérieuse violation de la trêve signé entre le gouvernement de Juba et les rebelles regroupés derrière le vice-président Riek Machar.Mardi après-midi, des coups de feu retentissaient toujours et il était difficile de dire qui contrôlait effectivement la ville, capitale de l'Etat pétrolier du Haut-Nil (nord-est).
"Les combats sont très intenses.Il y a des combats en périphérie de la ville.C'est une très grande attaque, coordonnée", avait indiqué une source humanitaire mardi matin, ajoutant que des avions de combats survolaient la zone pour couvrir les forces pro-gouvernementales.
Le porte-parole de l'armée, Philip Aguer, a confirmé l'attaque, sans pouvoir préciser qui contrôlait Malakal.
"Il est très clair maintenant que (les rebelles) ne respectent pas le cessez-le-feu, qu'ils ne sont pas prêts à s'y plier qu'ils ne sont pas prêts à écouter le langage de la paix et qu'ils pensent que tout doit se résoudre par la force", a de son côté dénoncé Michael Makuei, le chef de la délégation gouvernementale engagée dans des pourparlers de paix avec les rebelles à Addis Abeba.
Un porte-parole de la mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) a indiqué que les bases locales onusiennes, où sont réfugiés des milliers de déplacés, avaient été isolées par les affrontements.
"Il y a des informations selon lesquelles le marché est en feu et il semble que les rebelles soient à l'intérieur de la ville", a ajouté une autre source humanitaire.
Le Soudan du Sud est le théâtre de combats entre l'armée loyale au président Kiir et la rébellion regroupée derrière Riek Machar depuis le 15 décembre.
Les combats, qui ont déjà fait des milliers de morts et quelque 900.000 déplacés, avaient commencé dans la capitale Juba avant de s'étendre au reste du pays, en particulier aux Etats du Haut-Nil, du Jonglei (est) et d'Unité (nord).
- Lutte de pouvoir -
Le 23 janvier, après des mois de négociations laborieuses à Addis Abeba, les deux camps avaient finalement accepté de signer un cessez-le-feu.
Mais les problèmes de fond qui les opposent doivent encore être résolus -- d'autres pourparlers sont dans cet objectif toujours en cours dans la capitale éthiopienne.Et chaque camp accuse régulièrement l'autre de violer la trêve.
"Depuis le premier jour, nous voyons le gouvernement violer le cessez-le-feu", a encore dénoncé mardi le porte-parole de la délégation rebelle à Addis, Hussein Mar Nyout.
Il a cependant nié que les forces rebelles aient elles-mêmes gagné du terrain depuis la signature de la trêve."Tout au plus, se défendent-elles", a-t-il affirmé.
Depuis mi-décembre, le conflit sud-soudanais s'articule autour d'une lutte de pouvoir entre le président Kiir et l'ex-vice président Machar, limogé en juillet.
Le premier accuse le second d'avoir tenté un coup d'Etat.
Riek Machar dément, et reproche en retour à Salva Kiir de ne chercher qu'à écarter toute compétition au sein du parti au pouvoir, le SPLM, issu de l'ex-rébellion sudiste qui a affronté Khartoum lors de la longue guerre civile (1983-2005) pré-indépendance, à l'approche d'échéances électorales en 2015.
La rivalité politique a cependant très vite pris une dangereuse tournure ethnique : plusieurs massacres à caractère communautaire opposant les deux principales tribus du pays, les Dinka de Salva Kiir et les Nuer de Riek Machar, ont été dénoncés.
Sur le terrain, la situation reste dramatique pour les populations civiles.
Les dizaines de milliers de déplacés entassés dans des camps de l'ONU craignent encore trop les représailles ethniques pour rentrer chez eux.
Dans ces bases surpeuplées, le manque d'équipements sanitaires, d'abris, de nourriture favorise la propagation de maladies et la situation risque encore de s'aggraver avec la saison des pluies qui approche.
A Malakal, Oxfam a affirmé que les civils pris au piège étaient "terrifiés".
"Le fait que le cessez-le-feu ne tienne pas est vraiment inquiétant", a déclaré une porte-parole de l'ONG, Grace Cahill."Cela nuit vraiment à notre travail d'aide aux plus pauvres et aux plus vulnérables".
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