Emprisonné au Cameroun depuis 1997 pour des malversations qu'il conteste, le Français Michel Atangana va être libéré, ont annoncé mercredi à l'AFP ses avocats, qui dénoncent depuis des années son sort kafkaïen.
"D'une minute à l'autre" ou "d'ici 48 heures", les défenseurs de ce Français d'origine camerounaise ont tous espéré une sortie rapide, après l'annonce d'un décret présidentiel du président camerounais, Paul Biya, prévoyant des commutations et remises de peine collectives.
Selon l'un des avocats, Me Eric Dupond-Moretti, ce décret daté du 18 février "ordonne une remise totale de la peine restant à purger" pour les personnes condamnées pour détournement de fonds publics et "dont la détention a été supérieure à 10 ans".Une décision qui s'appliquerait de fait "à notre compatriote", a souligné l'avocat.
"Nous avons entrepris des démarches auprès du ministre de la Justice Laurent Esso pour sa libération.Nous avons bon espoir qu'elles aboutissent le plus vite possible, peut-être dans 48 heures", a déclaré de son côté Me Charles Tchoungang, l'un des défenseurs camerounais de Michel Atangana.
Mais pour l'instant, aucune source gouvernementale camerounaise n'a confirmé cette remise en liberté.Elle mettrait fin à un long combat pour ce prisonnier de 49 ans qui a toujours nié les détournements de fonds publics dont on l'accuse au Cameroun.L'affaire avait pris une tournure diplomatique, le président français François Hollande dénonçant en mai 2013 une durée de détention "inadmissible".
Quelques mois plus tard, le Haut Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU demandait aussi sa libération."Paul Biya ne pouvait pas rester éternellement indifférent à ces appels", a commenté l'un des avocats, Me Dominique Tricaud, qui avait saisi l'agence onusienne.
- "Situation ubuesque" -
Michel Atangana avait été envoyé au Cameroun en 1994 par son employeur pour des projets routiers.La présidence camerounaise lui avait confié la direction d'une structure de travaux publics.Mais en avril 1997, celui qu'on présente comme l'un de ses proches, Titus Edzoa, est arrêté.Ce dernier a longtemps été l'un des personnages les plus puissants du régime de Paul Biya, à la tête du pays depuis 1982, mais il vient de rompre avec le pouvoir et a déclaré sa candidature à la présidentielle.Michel Atangana sera arrêté dans la foulée.
Le Français est condamné une première fois à 15 ans de prison en octobre 1997 pour le détournement de 1,1 milliard de francs CFA (1,6 million d'euros) et la tentative de détournement de 59,4 milliards de francs CFA (90 millions d'euros).Dans des conditions jugées scandaleuses par la défense, il est de nouveau condamné à 20 ans en octobre 2012.Une situation ubuesque pour ses avocats, qui dénonçaient deux condamnations pour les mêmes faits.La peine avait été confirmée par la Cour suprême du Cameroun en décembre dernier.Titus Edzoa avait suivi le même parcours.
"Nous restons vigilants.Tant que Michel Atangana n'aura pas quitté de façon effective sa cellule, le combat se poursuivra", a réagi mercredi le président de son comité de soutien, Dominique Sopo, dans une déclaration à l'AFP.
"Il appartient désormais aux autorités camerounaises de montrer qu'elles veulent sortir honorablement de ce dossier en procédant sans délai à cette libération depuis trop longtemps attendue", a-t-il ajouté.
Dans son avis du 13 novembre 2013, le Haut Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU dénonçait "les conditions inhumaines" de détention de Michel Atangana et réclamait une "indemnisation" pour le préjudice subi.
"Toutes les instances judiciaires intervenues dans (sa) très longue privation de liberté" ont "manqué d'impartialité" et "il a été jugé deux fois pour les mêmes faits", relevait l'agence de l'ONU.
Les avocats de Michel Atangana ont déposé plainte à Paris en décembre 2013 contre trois ministres camerounais pour détention arbitraire.
Pour Me Tricaud, "sa libération n'est que le préalable à son indemnisation et à des sanctions contre ceux qui sont responsables de sa détention".
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