L'Etat tchadien s'est constitué partie civile au procès attendu de l'ex-président tchadien Hissène Habré, inculpé de crimes contre l'humanité et incarcéré à Dakar où il est réfugié depuis sa chute en 1990, ont annoncé mardi à Dakar un ministre tchadien et les avocats du Tchad.
La lettre de constitution de partie civile a été déposée mardi matin au greffe des Chambres africaines extraordinaires, le tribunal spécial créé en vue de juger M. Habré et basé dans la capitale sénégalaise, selon le pool des avocats du Tchad.
L'Etat tchadien entend ainsi ouvrir un volet économique dans l'affaire, estimant que M. Habré, qui a dirigé le pays de 1982 à 1990, lui a causé un préjudice financier, ont expliqué le ministre tchadien de la Justice, Béchir Madet, et Me Philippe Houssine, coordonnateur du pool d'avocats du Tchad devant la presse après le dépôt de la lettre.
Hissène Habré a été inculpé de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et tortures commis au cours de ses huit ans au pouvoir avant d'être renversé en 1990 par l'actuel président Idriss Deby Itno.Depuis sa chute, il vit en exil au Sénégal.
- Le Tchad, victime d'Hissène Habré -
En juillet 2013, plus de mille personnes, se considérant comme "victimes directes et indirectes" de son régime, se sont constituées parties civiles dans son procès.
"Dans l'état actuel des choses, la République du Tchad est la victime parfaite des agissements de Hissène Habré" puisque "dans sa fuite (...), il n'a pas oublié d'emporter (de l'argent), de vider les caisses de l'Etat", a affirmé le ministre Madet à l'antenne de la télévision publique sénégalaise RTS.
"Ce préjudice financier nécessite (...) une constitution de partie civile", a de son côté affirmé Me Houssine.
Les personnes physiques qui se sont déjà constituées parties civiles "dans la procédure n'ont pas compétence de se constituer partie civile sur l'aspect économique, et seul l'Etat tchadien qui a subi des préjudices économiques est habilité" à le faire pour ce volet, a déclaré Me Houssine.
"En entrant dans la procédure, nous, République du Tchad, nous voulons aider les Chambres africaines à faire un procès" qui permettra "d'abord à beaucoup de familles de faire leur deuil, ensuite "de pouvoir indemniser les survivants ou leurs ayants droit" et "au peuple tchadien de se réconcilier", a précisé le ministre Madet.
Dans un communiqué transmis à l'AFP, le collectif des avocats des victimes du régime d'Hissène Habré a estimé que la démarche de l'Etat tchadien "n'a pas de base juridique" et son entrée dans la procédure "devrait être déclarée irrecevable".
"Se constituer partie civile devant les Chambres africaines extraordinaires n'est pas le rôle de l'Etat tchadien", affirme-t-il dans ce texte signé par Me Jacqueline Moudeina, du barreau de N'Djamena, et Me Assane Dioma Ndiaye, du barreau de Dakar.
Le collectif exhorte le Tchad à plutôt "renforcer sa collaboration avec les Chambres africaines extraordinaires en assurant la sécurité des témoins, des magistrats et des avocats des victimes et de la défense", et à transférer à Dakar trois personnes poursuivies dans le cadre du dossier résidant actuellement en territoire tchadien.
Le Sénégal et l'Union africaine (UA) ont signé en décembre 2012 un accord pour la création au Sénégal d'un tribunal spécial en vue de juger Hissène Habré.
En mai 2013, le Tchad et le Sénégal ont signé un accord devant permettre aux juges du tribunal spécial chargés de son procès de mener des enquêtes au Tchad.
L'ex-président Habré a été arrêté le 30 juin 2013 à Dakar puis inculpé le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial et placé en détention préventive.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.