Le procès de journalistes de la chaîne satellitaire du Qatar Al-Jazeera, dont quatre étrangers, accusés de soutenir les Frères musulmans du président destitué Morsi, a repris mercredi en Egypte, des accusés se plaignant de mauvais traitements en détention.
Ce procès est vu par beaucoup comme un test pour les nouvelles autorités, dirigées de facto par l'armée, alors que de nombreux militants disent craindre un retour d'un pouvoir autoritaire en Egypte huit mois après l'éviction du seul président jamais élu démocratiquement.
Le journaliste Australien Peter Greste, arrêté en décembre dans un hôtel du Caire en compagnie de ses confrères égypto-canadien Mohamed Fadel Fahmy et égyptien Baher Mohamed, sont apparus dans le box grillagé des accusés aux côtés de trois autres personnes, tous vêtus de la traditionnelle tenue blanche des prisonniers.
Au total, 20 personnes présentées par le Parquet comme des "journalistes d'Al-Jazeera" sont jugées --mais la chaîne a assuré que seuls neuf travaillaient pour elle.Seize Egyptiens sont accusés d'appartenance à une "organisation terroriste" et quatre étrangers de leur avoir fourni "argent, équipements et informations" pour "diffuser de fausses nouvelles" faisant croire à une "guerre civile dans le pays".
Depuis juillet, au moins 1.400 personnes ont été tuées, la quasi-totalité des pro-Morsi morts dans la répression menée par policiers et soldats, selon Amnesty International.Le Caire n'a pas du tout apprécié la couverture d'Al-Jazeera, l'accusant de prendre fait et cause pour les Frères musulmans, déclarés "terroristes", et fermant définitivement son antenne égyptienne, Al-Jazeera Mubasher Misr.
Et au-delà d'Al-Jazeera--un outil de la diplomatie du Qatar qui s'emploie, selon les experts, à soutenir les islamistes--, ce sont les relations entre les deux pays qui se sont tendues: Le Caire a accusé Doha de soutenir les Frères musulmans et l'émirat gazier du Golfe a reproché aux nouvelles autorités leur violence à l'encontre des pro-Morsi.
- Plaintes de torture -
Derrière la grille du box des accusés, Soheib Saïd, l'un des accusés égyptiens, s'est plaint d'avoir été "torturé par la sûreté de l'Etat", évoquant des "tortures physiques et des pressions psychologiques"."Nous avons demandé à la médecine légale de nous examiner et personne ne nous a répondu", a-t-il ajouté.
"Mon épaule est cassée depuis 10 semaines et je dors par terre" en cellule, a de son côté affirmé M. Fahmy à la cour."Je vous demande de me libérer avec la garantie de l'ambassade canadienne que je ne quitterai pas le pays".
Son père, Fadel Fahmy, a affirmé à l'AFP que son fils avait "besoin d'une opération à l'épaule droite, mais les autorités pénitentiaires ne l'ont pas autorisée jusqu'ici".Après avoir rencontré son fils près d'une heure mardi, il a indiqué à l'AFP qu'il était "très tendu et énervé" par plus de deux mois de détention.
Il a en outre dénoncé de "fausses accusations d'appartenir aux Frères musulmans alors qu'il a été l'un des premiers à participer aux manifestations du 30 juin contre eux", qui ont conduit à la destitution de Morsi par l'armée.
Pour l'un des avocats du journaliste, Ibrahim Abdel Wahab, "la seule accusation crédible est celle de possession de matériel de diffusion sans autorisation".
Al-Jazeera a dénoncé des accusations "infondées" et Mokhless El Salhy, un des avocats de la défense, a indiqué à l'AFP qu'il allait "de nouveau demander leur libération sous caution".
Les autorités affirment que les journalistes travaillaient sans accréditation.Baher Mohamed a lancé au début de l'audience: "les journalistes ne sont pas des terroristes".
Andrew Greste, également présent au tribunal, a indiqué que son frère, Peter, était "en bonne santé physique", déplorant toutefois n'avoir obtenu "aucune réponse des autorités égyptiennes à une lettre écrite par la famille".
"Peter est évidemment très reconnaissant et se sent renforcé par le soutien international", a-t-il poursuivi, assurant que c'était notamment grâce à cette mobilisation internationale en faveur du journaliste, récompensé par plusieurs prix prestigieux, "qui le fait tenir en prison" de laquelle il écrivait en janvier qu'elle débordait "de tous ceux qui se sont opposés ou ont défié le gouvernement".
Parmi les journalistes étrangers jugés par contumace figurent les Britanniques Sue Turton et Dominic Kane et la Néerlandaise Rena Netjes.
A la veille de la deuxième audience dans ce procès Reporters sans Frontières (RSF) a dénoncé "la poursuite de la violation des libertés fondamentales (...) par les autorités".En janvier, Human Rights Watch avait déploré "une tolérance quasi zéro", tandis qu'Amnesty International accusait l'Egypte de n'accepter "qu'une seule version des faits: celle autorisée par les autorités".
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