L'accusation va requérir mercredi une lourde peine contre Pascal Simbikangwa, premier Rwandais poursuivi en France en lien avec le génocide de 1994, "épurateur d'avant l'heure" qu'elle veut voir condamner pour génocide, alors qu'il était entré dans le box pour complicité.
L'avocat général Bruno Sturlese a lancé la journée de réquisitoire de ce "procès historique à plus d'un titre" en en explicitant "le sens", avant de dresser le portrait d'un "épurateur d'avant l'heure, de la première heure", ex-capitaine de la garde présidentielle à "l'engagement radical, extrémiste".
Il a rappelé au jury l'importance de sa tâche, juger "une page effrayante, une de plus, du livre noir de l'humanité", écrite il y a deux décennies à plus de 6.000 kilomètres.
Mais il a aussi souligné qu'il s'agissait de "la première fois qu'une cour d'assises en France est saisie d'un tel chef d'accusation, du crime des crimes, le génocide".Enfin, il s'est félicité que la justice française serve ainsi de "rouage indispensable dans le dispositif international de lutte contre l'impunité".
Mais alors que Kigali a souvent reproché à la France d'avoir soutenu le régime génocidaire hutu et protégé ses responsables, l'avocat général a rejeté toute idée de lenteur de la justice française dans ce dossier, soulignant que si le procès intervenait 20 ans après les faits "c'est tout simplement parce qu'il (l'accusé) s'est caché pendant 13 ans".
Pascal Simbikangwa avait été arrêté en octobre 2008 à Mayotte dans une affaire de faux papiers et le verdict de son procès tombera à quelques semaines des commémorations des 20 ans du génocide.
Pour autant, l'avocat général a enjoint le jury de "ne pas se tromper de procès", soulignant qu'il devait "juger Pascal Simbikangwa au nom de la loi et non au nom de l'Histoire ou de l'émotion".
- "Homme capable du pire" -
Fustigeant la "force de négation" de l'accusé, qui nie jusqu'à avoir vu un seul cadavre pendant les 100 jours au cours desquels 800.000 personnes, principalement des Tutsi, ont été massacrées d'avril à juillet 1994, l'avocat général a estimé que "ce procès l'a mis face à ses actes, face aux survivants de ses actes", même si aucune victime physique n'est partie au procès, seulement des ONG.
Et alors que le capitaine Simbikangwa minimise son importance, il l'a dépeint en "homme terrifiant, intouchable et capable du pire", affecté au "Service central de renseignement, la police politique, un service tout puissant qui fiche, qui rafle, qui torture".
Il a détaillé son rôle de propagandiste du régime faisant monter la haine anti-Tutsi, actionnaire fondateur de Radio mille collines avec "tous les barons du régime", auteur de livres relevant du "catéchisme intégriste".
Sa collègue Aurélia Devos, vice-procureur et chef du pôle crimes contre l'humanité créé à Paris en 2012, doit le relayer et le réquisitoire se poursuivre toute la journée pour convaincre le jury de "la seule décision envisageable concernant Pascal Simbikangwa".
Après cinq semaines de débats, l'accusation avait demandé la semaine dernière que le jury soit également appelé à se prononcer sur la culpabilité "du crime de génocide", et non sur la seule complicité, qu'avaient retenue les juges d'instruction au terme de quatre années d'enquête.La peine encourue est la perpétuité dans les deux cas.
Jeudi, la parole sera à la défense, qui devrait notamment s'attacher à mettre en cause la fiabilité des témoins, que le capitaine Simbikangwa décrit comme manipulés ou intimidés.L'avocat général en a lui appelé au "bon sens" du jury "pour distinguer le mensonge des pièges inévitables de la mémoire, de la langue", nombre de témoins s'étant exprimés via un interprète.
Vendredi, les derniers mots seront pour l'accusé, avant les délibérations du jury et le verdict.
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