Les insurgés islamistes de Boko Haram et l'armée nigériane ont probablement commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans le nord du Nigeria à majorité musulmane, où la crise est devenue un "conflit armé", selon Amnesty International.
Dans un communiqué rendu public dimanche soir, l'ONG estime que plus de 1.500 personnes ont été tuées depuis le début de l'année dans une recrudescence de ces violences dans le nord-est du pays, épicentre de la crise.
L'agence de secours d'urgence nigériane NEMA avait, elle, dressé mardi dernier un bilan de plus de mille personnes et 250.000 déplacés durant cette période.L'ONG Human Rights Watch a pour sa part avancé le 14 mars le chiffre de 700 tués depuis le début de l'année.
La moitié des victimes sont des civils, selon Amnesty, qui s'inquiète notamment des informations faisant état des exécutions sommaires de centaines de personnes suspectées d'appartenir à Boko Haram après une évasion massive d'une prison le 14 mars.
La hausse "alarmante" du niveau de violences dans le nord-est du Nigeria a transformé la crise en "situation de conflit armé, non international, dans lequel toutes les parties violent le droit humanitaire international", juge Amnesty dans son communiqué.
"Nous exhortons la communauté internationale à assurer des enquêtes rapides et indépendantes pour vérifier si certains actes ne constituent pas des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité", a déclaré le responsable du bureau de recherches sur l'Afrique d'Amnesty, Netsanet Belay.
"La communauté internationale ne peut continuer de regarder ailleurs face aux exécutions extrajudiciaires, aux attaques contre des civils et à d'autres crimes commis à une grande échelle", ajoute-t-il.
"Les civils paient un prix très lourd alors que le cycle des violations et des ripostes gagne en intensité", fait-il valoir.
- Un tournant crucial -
Depuis début janvier, avec une série d'attaques meurtrières contre des villages isolés, un pensionnat, des églises et d'importantes installations de l'armée, Boko Haram a accentué sa pression sur le gouvernement nigérian.
L'armée assure que la contre-offensive lancée à partir de mai 2013 dans trois Etats du nord-est du Nigeria s'est avérée efficace, en isolant les insurgés et en les privant de leur armement et de leurs munitions.
De nombreux observateurs contestent cette version des faits, et s'alarment au contraire de l'incapacité des autorités à endiguer l'inexorable montée en puissance de l'insurrection islamiste.
Amnesty estime ainsi que l'assaut du 14 mars de la caserne militaire de Giwa dans la capitale de l'Etat de Borno, Maiduguri, a constitué un "tournant crucial" en raison de la "répression brutale" des militaires visant des détenus après l'attaque.
Dans une vidéo diffusée lundi dernier, Boko Haram a déclaré avoir libéré des centaines de ses frères d'armes emprisonnés dans cette caserne, déjà tristement réputée pour les terribles conditions de détention qui y règnent.
Il y a des "indices crédibles" que plus de 600 de personnes, la plupart des détenus non armés et rattrapés, ont été sommairement tués à travers Maiduguri alors que l'armée reprenait le contrôle de la situation, selon Amnesty.
Des images satellite ont suggéré l'existence de ce qui pourrait être trois grandes fosses communes dans la ville, selon l'ONG.
Des habitants ont témoigné que la troupe avait tué 56 détenus évadés, derrière l'université de la capitale de l'Etat.
Dans un autre incident, rapporté par un témoin, 200 autres prisonniers échappés ont été capturés par des vigiles civils et remis aux militaires."Les soldats ont fait quelques appels et quelques minutes après ont commencé à tirer sur les gens qui étaient par terre", couchés sur le sol, selon ce témoin ayant compté "198 morts".
Dans ces deux cas, les détenus avaient affirmé ne pas être des combattants, selon Amnesty.
- 'Violation du droit international' -
Amnesty affirme que la riposte de l'armée n'était pas justifiée, malgré la férocité de Boko Haram, un groupe qui veut instaurer la charia islamique au Nigeria.
"Les exécutions sommaires de ces détenus constituent des exécutions extrajudiciaires et sont des crimes, selon le droit international", dénonce l'ONG, appelant la communauté internationale, la Commission africaine des droits de l'homme et les Nations unies à procéder à une enquête globale et indépendante.
L'ONG a enfin appelé l'Union africaine et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao), présidée par le Nigeria à partir d'avril, à contribuer à mettre fin à ce conflit qui dure depuis 2009 et a fait des milliers de morts.
Dimanche, une tentative d'évasion a eu lieu dans le QG des services de renseignements intérieurs (DSS) à Abuja, la capitale fédérale (centre).Vingt-et-un détenus ont été tués au cours du raid, dans lequel Boko Haram pourrait être impliqué, et qui s'est déroulé à proximité directe de la présidence.
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