Acteur-clé de la crise centrafricaine et incontournable puissance régionale, le Tchad a claqué la porte jeudi de la Force africaine en Centrafrique (Misca), dénonçant une "campagne malveillante" contre ses soldats, à nouveau mis en cause après avoir tué 24 civils à Bangui.
"Malgré les efforts consentis, le Tchad et les Tchadiens font l'objet d'une campagne gratuite et malveillante, tendant à leur faire porter la responsabilité de tous les maux dont souffre la RCA" (République centrafricaine), a accusé dans un communiqué le gouvernement de N'Djamena.
"Face à ces accusations répétées, le Tchad, après avoir informé la présidente de la transition centrafricaine, la présidente de la Commission de l'Union africaine (UA) et le secrétaire général des Nations unies, décide du retrait du contingent tchadien de la Misca", ajoute le texte, précisant: "les modalités pratiques de ce retrait seront arrêtées de commun accord entre le Tchad et l'Union africaine".
Cette annonce survient après la mort d'au moins 24 civils à Bangui le week-end dernier, tués par des soldats tchadiens.Il s'agit de l'incident le plus grave impliquant des troupes étrangères en Centrafrique depuis le renversement, en mars 2013, du président François Bozizé par la Séléka, une coalition à dominante musulmane appuyée par le Tchad.
Le contingent tchadien, qui avec environ 850 soldats aguerris est l'un des principaux fournisseurs de la Misca (6.000 hommes au total), va donc se retirer alors que les forces africaine et française Sangaris (2.000 soldats) réclament au contraire des renforts pour pacifier le pays, notamment en province, où l'armée française a commencé à se déployer cette semaine dans l'Est.
Mardi, l'Union européenne a décidé d'envoyer une force militaire en Centrafrique, mais ses effectifs - environ 800 hommes - suffiront à peine à combler le vide laissé par le retrait des troupes du président tchadien Idriss Déby Itno, souvent décrit comme "faiseur de rois" chez son voisin centrafricain.
- 'Donner la mort', le surnom des Tchadiens -
En attendant le retrait de son contingent, dont la date n'est pas indiquée, "le Tchad assumera, sans failles, sa mission de paix dans les zones relevant de sa responsabilité en RCA", a assuré N'Djamena.
Les soldats tchadiens ont été accusés à plusieurs reprises depuis l'arrivée au pouvoir de la Séléka de passivité face à leurs exactions, voire de connivence - certains étaient Tchadiens.N'Djamena a toujours démenti avec force et reçu le soutien appuyé de l'UA et de la France pour son engagement en Centrafrique.
Le comportement des soldats tchadiens au quotidien dans Bangui leur a valu l'hostilité d'une partie de la population, sur fond de haines interreligieuses, ainsi que le surnom de "donner la mort".
De nombreux incidents ponctués de tirs parfois meurtriers les ont opposés aux miliciens majoritairement chrétiens anti-balaka, notamment lors de leurs opérations d'évacuation de ressortissants tchadiens ou de protection des quartiers musulmans.
Concernant l'incident de ce week-end, les Tchadiens ont répliqué à une attaque à la grenade, selon la Misca et le gouvernement centrafricain.
Cette version a été démentie par des représentants des anti-balaka, qui affirment que les Tchadiens ont ouvert le feu sans discrimination.
La présidente centrafricaine de transition Catherine Samba Panza, de passage à Paris avant un sommet à Bruxelles consacré à l'Afrique, a annoncé mardi l'ouverture d'enquêtes sur cette affaire.
La polémique a rebondi au niveau international avec de nouvelles déclarations mardi du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme et de la diplomatie française."Il semble que les soldats tchadiens aient tiré sans discrimination dans la foule", a accusé à Genève une porte-parole du Haut-Commissariat, Cécile Pouilly.
Pour Paris au contraire, la responsabilité incombe "pour une large part aux anti-balaka", selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Romain Nadal, qui a demandé "que toute la lumière soit faite sur ces violences".
Depuis un an, l'ancienne colonie française, pays parmi les plus pauvres de la planète, habitué aux coups d'Etat à répétition et aux rébellions, traverse une crise sans précédent qui a fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
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