Victorieux mais usé avant même d'entamer son nouveau mandat, le président Jacob Zuma doit être reconduit mercredi à la tête de l'Afrique du Sud: avec quelle équipe et pour quelles réformes face au climat social tendu, l'incertitude demeure.
Dans un pays miné par un chômage chronique, où la population active augmente bien plus vite que le nombre d'emplois, la question est de savoir si M. Zuma va agir pour déplacer le centre de gravité économique vers la majorité - autrement dit vers les Sud-Africains noirs qui vivent toujours dans la pauvreté 20 ans après la fin de l'apartheid - ou si le statu quo, habile mélange de flou, d'incantations et d'immobilisme, va perdurer.
De premiers indices pourraient apparaître samedi dans son discours d'intronisation sur ce débat économique de fond, étouffé par la réconciliation des années Mandela et le virage libéral pris par son parti, l'ANC, dès son arrivée au pouvoir à la fin de la ségrégation raciale en 1994.
Conscient de l'impatience sociale alimentée par le chômage, un état souvent déplorable des services publics et des salaires minés par l'inflation, M. Zuma avait commencé à donner des gages à sa base avant les élections.
"Cela inclut des changements à la loi sur les ressources pétrolières et minières, des évolutions sur la réforme de la propriété foncière (majoritaire blanche) et une loi digne de la Corée du Nord sur l'investissement" étranger pour remplacer les traités bilatéraux, observe Attard Montalto, de la banque japonaise Nomura.
Cet économiste ne spécule pas davantage sur la ligne que pourrait suivre M. Zuma, parlant de "période politique parmi les plus intéressantes de ces dernières années", décrivant un pays "à l'heure des choix" et incitant les investisseurs "à tenir bon, à surveiller attentivement les débats internes à l'ANC (...) et les sables mouvants de son alliance tripartite" avec le Parti communiste et la confédération syndicale Cosatu.
Députés vêtus de rouge
La réélection de M. Zuma, tête d'affiche de l'ANC aux législatives du 7 mai remportées pour la cinquième fois d'affilée par le parti malgré une légère érosion (62,15%), par l'Assemblée nationale réunie au Cap est une pure formalité.
L'ANC a perdu 15 députés mais conserve la majorité absolue, avec 249 sièges sur 400.
Et M. Zuma, 72 ans, qu'un diplomate étranger comparait récemment à un "cafard capable de résister à une catastrophe nucléaire", a les coudées franches.
Les milieux d'affaires se féliciteront sans doute si M. Zuma confirme le numéro deux de l'ANC, ancien syndicaliste reconverti dans les affaires Cyril Ramaphosa, comme vice-président.
Les nominations aux portefeuilles ministériels clés - Economie, Commerce, Industrie, Mines ou Travail - permettront peut-être davantage de sortir du flou qui inquiète à l'étranger.
Le maintien aux Finances de Pravin Gordhan, 65 ans, serait vu comme une preuve de stabilité mais des rumeurs récurrentes prédisent son remplacement par un Sud-Africain noir, qui pourrait être Tito Mboweni, ancien gouverneur de la Banque centrale.
La page des années Mandela devrait se refermer définitivement avec le départ du ministre à la présidence Trevor Manuel, ministre des Finances de 1996 à 2009 et principal artisan du Plan de développement national (NDP) de l'ANC.
Qu'adviendra-t-il de ce document d'inspiration libérale, victime des contradictions internes au parti et des divergences de ses alliés?Nul ne le sait.Présenté comme la pierre angulaire du programme de l'ANC depuis 2012, il est toujours à l'état de projet.
La seule évolution politique a été l'entrée très remarquée à l'Assemblée des "Combattants pour la liberté économique", le parti du jeune leader populiste Julius Malema, 33 ans.
Après avoir dansé sur les marches du Parlement et entonné des chants révolutionnaires, ses 25 élus ont prêté serment, entièrement vêtus de rouge et en bottes d'ouvriers, contrairement à leurs nouveaux collègues en tenues traditionnelles africaines, tailleurs ou costumes-cravates.
L'air goguenard, ils ont donné un avant-goût de la verve anti-capitaliste et du style provocateur que l'ancien leader de la jeunesse exclu de l'ANC promet de déployer à l'Assemblée.
Avec plus d'un million de voix, "Juju" a su rebondir et capter la soif de changement des plus déshérités.Il a notamment remporté plus de 20% des suffrages à Rustenburg, le bassin minier paralysé par une grève sans précédent depuis quatre mois.
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