Quand le Liberia a annoncé la suspension des cours pour cause d'Ebola, Prince David s'en est d'abord réjoui: plus de devoirs à faire, de leçons à apprendre.Aujourd'hui, les vacances forcées l'ennuient et le poussent chaque jour vers son école désertée, "pour tuer le temps", dit-il.
"Vraiment, j'en ai marre de rester assis ici à ne rien faire pendant qu'ailleurs dans le monde, des élèves vont à l'école", dit à l'AFP Prince David, 13 ans, un des 35.000 habitants de Buchanan, ville portuaire à environ 110 km au sud-est de Monrovia.
"Je pense que c'est injuste pour nous.A l'école, on nous a dit que chaque enfant a le droit d'apprendre, mais nous, nous n'apprenons pas", proteste l'adolescent, assis sur la véranda devant une salle de classe vide du collège de Bassa, également désert."Je n'ai rien à faire, donc je suis venu ici attendre des amis."
Il était en classe de sixième dans cet établissement d'un millier d'élèves jusqu'au 30 juillet, date à laquelle la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a ordonné la fermeture avec effet immédiat de "toutes les écoles sans exception" pour contenir la propagation du virus Ebola, qui affectait alors sévèrement deux pays voisins: la Guinée, d'où est partie l'épidémie, et la Sierra Leone.
Au 30 juillet, le Liberia comptait 129 morts sur 249 cas d'Ebola.Aujourd'hui, il est le plus affecté par l'épidémie, avec plus de la moitié des près de 5.200 recensés dans huit pays, même si la progression du virus s'y est nettement ralentie depuis environ un mois.
xEn raison de l'épidémie, les autorités ont partiellement fermé les frontières, ainsi que des marchés dans les zones frontalières et des lieux de loisirs, des restrictions ont été instaurées dans les déplacements, allant d'un couvre-feu nocturne général à la mise en quarantaine de certaines zones.Autant de mesures qui ont bouleversé le quotidien et affecté les activités économiques dans ce pays de 4,2 millions d'habitants en majorité pauvres, avec un taux de chômage tournant autour de 80%.
Si, comme tout enfant insouciant, Prince David a été un temps content d'avoir des vacances inattendues, il a aujourd'hui déchanté."Chaque matin, ma mère me donne du boulot à faire à la maison et quand je finis, je viens au campus pour rencontrer des amis pour discuter.C'est ainsi que nous tuons le temps", raconte-t-il.
- Situation "décourageante" -
Ses camarades de classe Hawa Sherrif, 12 ans, et Musu David, 14 ans, le rejoignent au collège pour sortir de la maison et se changer les idées, quand elles ne vendent pas dans les environs des oranges pour gagner un peu d'argent, expliquent-elles.
"On ne peut pas rester à la maison chaque jour à ne rien faire.Quand nous vendons des oranges, ce que nous gagnons aidera nos parents à payer nos frais de scolarité quand les écoles rouvriront", affirme Hawa Sherrif.
Dans ce pays où l'on estime qu'au moins 1,5 million d'enfants sont en âge d'aller à l'école, beaucoup espèrent une réouverture prochaine des écoles, à la faveur de l'annonce, le 13 novembre, de la levée de l'état d'urgence, qui avait été instauré le 6 août pour lutter contre l'épidémie.
Pour la mère de Prince David, Anita, voir son fils retourner en classe est un voeu ardent.Elle peine à le retenir avec les occupations à la maison, et dès qu'il est désoeuvré, il sort, se lamente-t-elle."Prions pour que le Liberia se débarrasse bientôt d'Ebola, sinon nos enfants seront dans la rue!"
Les écoles rouvriront "au moment opportun qui sera décidé en fonction des progrès que nous réalisons dans cette lutte" contre Ebola, a déclaré récemment Mme Sirleaf après consultation avec des autorités locales.
La rentrée scolaire normale pour l'année 2014-2015 aurait dû se faire le 1er septembre, mais personne ne sait quand rouvriront les classes, se désole Vee Moillaoh Sherrif, proviseur du collège de Bassa.
"La situation actuelle est décourageante", estime le proviseur.Lui aussi se rend chaque jour dans son école où, confie-t-il, il essaie de pousser les élèves qu'il croise à réviser les leçons étudiées avant les vacances forcées.
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