Dans la pénombre du siège de l'association Maman Uzima, Emerance Twandwe pèse minutieusement du sel jusqu'à atteindre 1.250 grammes.Bientôt les cristaux seront transformés en chlore pour lutter contre le choléra.
"Les gens sont contents qu'on fabrique du chlore car ça contribue à une diminution des cas de choléra", raconte Hélène Afua, coordonnatrice de cette association qui ravitaille en chlore une partie de Kalemie, ville du Sud-Est de la République démocratique du Congo où la maladie est endémique.
Cette mère de famille de 36 ans a été formée à la fabrication de chlore en 2006 avant de cofonder sa petite unité de production artisanale dans cette localité verdoyante et vallonnée de pêcheurs et d'agriculteurs dans une zone reculée du Nord-Est de la province du Katanga, sur les bords du lac Tanganyika.
Après avoir dissous le sel dans de grandes cuves d'eau, l'équipe de Maman Uzima ("La Vie" en swahili) utilise un lot d'équipements destiné à l'électrolyse fourni par l'ONG française Solidarités International: l'eau frémit, libérant de petites bulles blanches.Quatre heures plus tard, l'eau salée est devenue une solution de chlore.
L'initiative a commencé en 2008 après une flambée de choléra à Kalemie.
Le lac Tanganyika constitue un réservoir pour la bactérie à l'origine du choléra, ainsi que la seule source d'eau pour la plupart des quelque 400.000 habitants de la ville, le réseau d'adduction d'eau étant quasiment inexistant.
- 'Les gens n'ont plus peur' -
"La question du choléra est devenue ici une question endémique, on a des périodes de flambées", explique Guy-Marie Mwanakasala, chef du Bureau de l'ONU pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) à Kalemie.
"C'est pour permettre à la communauté de consommer l'eau locale que je fais ce travail.Pour qu'elle n'attrape pas de maladies", confie timidement Emerance Twandwe, constatant néanmoins que les habitants achètent surtout quand le choléra fait déjà des ravages.
Très virulente et contagieuse, la "maladie des mains sales" se manifeste par des diarrhées aiguës et une déshydratation grave dans 20% des cas, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Depuis mi-août à Kalemie, une nouvelle épidémie a tué plusieurs dizaines de personnes.Facile à soigner avec des sels de réhydratation orale ou des perfusions quand elle est prise à temps, la maladie peut entraîner la mort en quelques heures chez les sujets les plus faibles, notamment les enfants.
En RDC, un des deux pays les moins développés au monde selon l'ONU, le choléra frappe plus généralement la moitié est du pays (près de 500 morts en 2013), déchirée par les conflits depuis plus de vingt ans.
La prévention demeure l'arme la plus efficace.Seulement, les efforts se relâchent sur les 28 points de chloration d'eau autour du lac, et les humanitaires souffrent d'une pénurie de chlore."Nous aimerions produire plus, couvrir tous les besoins de la population, mais ça demande un financement, un appui", souligne Hélène Afua.
Pour l'heure, au siège, Uzima produit chaque lundi et mercredi 150 litres de solution chlorée.Ses cinq antennes dans le district de Tanganyika, qui comptent chacune un chef et une productrice, sortent en moyenne 50 litres par semaine.
La production est conditionnée dans des flacons de 250 millilitres achetés en Ouganda à moins de 0,5 dollar (40 centimes d'euro).Ils indiquent la date de péremption - 18 mois à partir de la fabrication -, une notice en swahili et quatre photos expliquant qu'un bouchon suffit à rendre potables 20 litres d'eau potable.
Le flacon est vendu à 1.000 francs congolais (86 centimes d'euro).L'équipe a une marge de 10% qui permet d'acheter de quoi poursuivre la production et indemniser symboliquement les travailleurs.Geste commercial: au bout de cinq flacons vides ramenés, un flacon plein est offert.
Uzima approvisionne à moto 52 points de vente dans Kalemie et sa région, dont des centres de santé et des pharmacies.Aussi, "on a jugé bon de vendre au porte à porte pour que les gens arrivent à comprendre le bien fondé de notre action", commente Claude Kikuni, superviseur des points de vente.
La discrète et motivée Safi Tubatchunge fait partie des 20 sensibilisatrices."Auparavant, les gens étaient réticents, dit-elle, ils pensaient que (chlorer l'eau) allait apporter d'autres maladies.Maintenant, il y a un changement de comportement, les gens n'ont plus peur."
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