La pression des ONG et de la société civile s'intensifie sur les pays francophones les plus développés, à l'occasion du sommet de Dakar, pour les pousser à s'engager résolument contre l'épidémie d'Ebola qui a tué près de 7.000 personnes en Afrique de l'Ouest.
"Jusqu'ici, l'Organisation de la Francophonie qui regroupe 77 pays membres n'a pas été très entendue sur cette crise sanitaire et humanitaire qui affecte la deuxième région où la langue française est la plus parlée dans le monde", déplorent une vingtaine d'artistes d'Afrique de l'Ouest dans une lettre adressée cette semaine aux dirigeants francophones.
Les signataires, dont les chanteurs maliens Amadou et Mariam, sénégalais Ismaël Lô, le rappeur burkinabé Smockey, le musicien camerounais Richard Bona, ou le cinéaste sénégalais Alain Gomis, saluent d'avance les discours de "solidarité pour les populations victimes d'Ebola" attendus à Dakar.
"Mais n'oubliez pas qu'au-delà des mots, seules des mesures concrètes soutenues par une volonté politique de premier ordre permettront de stopper la progression de l'épidémie et d'alléger les souffrances de nos compatriotes", écrivent-ils. "C'est pourquoi nous souhaitons que le sommet de Dakar soit l'occasion pour les leaders francophones du continent et d'ailleurs de s'engager à apporter une réponse politique et durable face à la crise Ebola et à celles qui ne manqueront pas de survenir".
"Jusqu'à aujourd'hui, la Francophonie a été peu audible" sur cette crise, a renchéri le directeur régional de Save The Children, Eric Hazard, lors d'une table ronde d'ONG internationales à Dakar.
De retour d'une tournée dans les trois pays les plus touchés fin octobre, l'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power a estimé que la France, la Belgique et le Canada pouvaient améliorer significativement la coordination contre Ebola en Guinée francophone, comme le faisaient déjà les Etats-Unis au Liberia et la Grande-Bretagne en Sierra Leone anglophones.
Selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé, 16.169 personnes ont été contaminées par le virus Ebola et 6.928 d'entre elles sont mortes dans ces trois pays d'Afrique de l'Ouest.
Mme Power regrettait plus particulièrement l'absence d'une structure intégrée de commandement et de contrôle en Guinée, où la situation est cependant moins critique.
"Je pense que les Français peuvent aider sur ce point, ainsi que les Canadiens et les Belges", a indiqué l'ambassadrice américaine.
- Langues de traitement et de prévention -
Le président français François Hollande a néanmoins accompli vendredi un acte marquant, s'arrêtant sur la route de Dakar à Conakry, la capitale guinéenne, première visite d'un dirigeant non africain dans un des pays en proie au virus, fêtée par des foules en liesse, brisant symboliquement l'isolement international dont ils souffrent.
"Au sommet de la Francophonie, je vais lancer un appel aussi à la mobilisation des pays francophones, je parle notamment du Canada et de la Suisse, qui m'ont dit qu'ils étaient prêts à accompagner la Guinée", a annoncé M. Hollande à Conakry.
A Dakar, il a appelé à "mettre en place toutes les structures sanitaires, toutes les vigilances indispensables, tous les vaccins pour qu'il n'y ait plus d'Ebola en Afrique, pour qu'il n'y ait plus d'Ebola nulle part au monde", sans toutefois développer de plan pour y parvenir.
Devant le sommet, le chef de l'Etat guinéen Alpha Condé a chaleureusement salué cette visite, "exemple éloquent que les pays affectés par ce virus sont fréquentables".
M. Hollande a remarqué à Conakry la fonction "essentielle" de la langue dans la communication entre soignants et patients.
Mais les acteurs de la lutte contre Ebola insistent sur l'importance du monde anglophone ou francophone pour fournir renforts médicaux et matériel à des pays qui en manquent cruellement, plutôt que sur la dimension linguistique, compte tenu du rôle des parlers locaux pour sensibiliser les populations.
Le directeur régional du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) Manuel Fontaine a ainsi raconté à l'AFP avoir "vu à Conakry des jeunes qui étaient en train de faire de la mobilisation sociale dans un parking de bus" en langue locale auprès d'habitants qui mettaient en doute la réalité du virus.
Au terme de cet échange, a-t-il indiqué, ces sceptiques concluaient: "Il y a quelqu'un qui parle notre langue qui nous le dit, donc, là on commence à le croire".
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