L'archevêque anglican Desmond Tutu, prix Nobel de la paix pour son engagement contre l'apartheid et conscience morale de l'Afrique du Sud, a annulé mardi tous ses voyages jusqu'à la fin de l'année afin de suivre un nouveau traitement contre son cancer de la prostate.
La fondation du prélat sud-africain, âgé de 83 ans, n'a pas précisé s'il devrait être hospitalisé pour combattre "le cancer de la prostate avec lequel il vit depuis quinze ans", ni s'il s'agissait d'une rechute grave.
Desmond Tutu ne se rendra notamment pas à un sommet des prix Nobel organisé cette semaine à Rome.Cette réunion devait initialement avoir lieu chez lui, au Cap, en octobre, mais elle avait été annulée en raison du refus des autorités sud-africaines d'accorder un visa au dalaï lama.
Défenseur infatigable des opprimés, Tutu avait passé cinq jours à l'hôpital en avril 2013 pour soigner une "infection persistante" qui n'a jamais été précisée."Le suivi du cancer de la prostate de l'archevêque va se poursuivre", avait alors indiqué sa fondation.
Ce cancer, diagnostiqué en 1997, avait failli l'emporter, mais cet homme d'une vitalité stupéfiante ne s'est officiellement retiré de la vie publique qu'en 2010.
Cela ne l'a jamais empêché, depuis lors, de toujours dire haut et fort ce qui lui tient à coeur.
Nettement plus jeune que Nelson Mandela --disparu l'an dernier à l'âge de 95 ans--, Desmond Tutu est toujours considéré comme la conscience morale du pays.
Il n'a jamais hésité à dénoncer les travers et imperfections de l'Afrique du Sud, vingt ans après la chute du régime d'apartheid: de l'équipe nationale de rugby, les Springboks, qui est toujours trop blanche, à l'effroyable état du système éducatif.
- Haut et fort -
Ses célèbres coups de gueule n'ont pas épargné le Congrès national africain (ANC), le parti de son ami Nelson Mandela aux côtés duquel il a combattu l'apartheid, qui est aux affaires depuis 1994.
"Je ne pensais pas que la déception arriverait si vite", a déclaré le prélat il y a quelques mois, se disant "heureux" que Mandela ne puisse plus voir l'état de son pays.
Dénonçant un gouvernement "pire que du temps de l'apartheid" quand Pretoria refusait --déjà-- un visa au dalaï lama pour ne pas froisser la Chine en 2011, il a répété à plusieurs reprises qu'il ne voterait plus jamais pour l'ANC.
"Nous avons une chose précieuse, le droit de vote.Réfléchissez à ce que vous voulez en faire.Utilisez votre droit de vote.Réfléchissez, réfléchissez, réfléchissez!", avait-il lancé à ses compatriotes en avril, avant les dernières élections."Ne votez pas comme des moutons!"
Sur la scène internationale, il dénonce régulièrement les violences au Proche-Orient --accusant en juillet les dirigeants israéliens et palestiniens de se conduire "comme des enfants"--, les lois homophobes adoptées par certains pays africains, et les atteintes à l'environnement.
Né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, à 170 km de Johannesburg, Desmond Tutu a souffert enfant de la poliomyélite.Marqué par cette expérience, il souhaitait devenir médecin mais sa famille était incapable de payer de longues études.
Il devint alors professeur, avant de démissionner pour protester contre l'éducation de moindre qualité réservée aux Noirs et d'entrer au séminaire, "par défaut" plus que "par idéal", selon une biographie autorisée.
Ordonné prêtre pour l'Eglise anglicane à 30 ans, il a étudié et enseigné en Grande-Bretagne et au Lesotho avant de s'établir à Johannesburg en 1975.
De plus en plus visible sur la scène anti-apartheid, il a été l'objet de brimades du régime raciste, mais son statut religieux lui a permis d'être relativement épargné.
C'est d'ailleurs dans cette lutte qu'il a acquis sa popularité, lorsqu'il a organisé plusieurs grandes marches pacifiques au Cap pour dénoncer la ségrégation et milité pour l'adoption de sanctions économiques internationales.Son action lui a valu le prix Nobel de la paix 1984.
Nommé archevêque en 1986, il est devenu le premier Noir à prendre la tête de l'église anglicane sud-africaine.
A l'avènement de la démocratie en 1994, celui qui a donné à l'Afrique du sud son surnom de "Nation arc-en-ciel" a présidé pendant trente mois la Commission vérité et réconciliation, créée pour aider à tourner la page des atrocités de l'apartheid.
"Le ressentiment et la colère sont mauvais pour la tension et la digestion", avait-il alors lancé.
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