Les autorités burundaises ont promis samedi de durcir la répression contre les opposants à un 3e mandat du président Pierre Nkurunziza, dénonçant "une entreprise terroriste" au lendemain d'attaques à la grenade ayant tué deux policiers à Bujumbura.
Les manifestations qui agitent le Burundi depuis le 26 avril étaient déjà qualifiées "d'insurrection" par le gouvernement.Cibles de sévères critiques, notamment américaines, les autorités durcissent encore le ton, au lendemain de l'annonce d'une trêve des manifestations de 48 heures, assortie d'un ultimatum au président Nkurunziza de retirer d'ici lundi sa candidature à la présidentielle du 26 juin.
Le climat, déjà électrique, se tend un peu plus, alors que la communauté internationale s'inquiète d'une possible reprise des violences à grande échelle, dans un pays à l'histoire récente marquée par des massacres entre hutu et tutsi et une longue guerre civile (1993-2006) qui hantent encore les esprits.
"Ces manifestations cachent une entreprise terroriste", a dénoncé samedi le général Gabriel Nizigama, ministre de la Sécurité publique, disant "lier" les auteurs de ces attaques aux manifestants car "ils considèrent la police (...) comme leur ennemie".
"La police, en collaboration avec l'armée du Burundi, va tout mettre en �?uvre pour arrêter ce soulèvement", a-t-il averti, "dès aujourd'hui, nous ne verrons plus des manifestants, mais des malfaiteurs, des terroristes et même des ennemis du pays".
Vendredi soir, trois personnes, dont deux policiers, ont été tuées dans une double attaque à la grenade et à l'arme automatique à Kamenge, quartier périphérique du nord-est de Bujumbura, selon un nouveau bilan de la police.Quasi-simultanément, une grenade a été lancée contre d'autres policiers dans le centre-ville cette fois.Au total, 17 personnes, dont 13 policiers, ont aussi été blessées dans ces deux assauts.
Des observateurs doutent que des jeunes manifestants aient pu mener de telles attaques, notamment celle de Kamenge, véritable opération commando, selon le récit fait à l'AFP par un habitant, rencontré tard vendredi dans ce quartier épargné par la contestation.
Selon ce témoin, une grenade puis des tirs ont visé deux policiers à pied, tuant l'un d'eux et blessant l'autre.Une deuxième grenade a ensuite explosé sous la voiture d'un responsable de la police arrivé sur les lieux, abattu alors qu'il en sortait, a-t-il raconté.Au moins un civil a été tué et deux blessés, selon lui.
- Trêve de deux jours -
Le centre-ville est interdit aux manifestants, contenus par la police dans les quartiers périphériques.Depuis le 26 avril, des manifestations émaillées de violents affrontements avec la police agitent la capitale burundaise en réaction à la désignation de M. Nkurunziza par son parti pour être son candidat à la présidentielle.
Les protestataires estiment inconstitutionnel un troisième mandat du chef de l'Etat, élu en 2005 et réélu en 2010, ce que nient ses partisans, interprétant différemment deux articles de la Constitution.
Le général Nizigama a également accusé l'opposition et la société civile d'aider "les manifestants en leur donnant des vivres, de l'argent et même dans la confection de leurs plans d'action".
Les attentats de vendredi sont survenus peu après que le Collectif contre un 3e mandat, qui regroupe un millier d'associations de la société civile et les deux centrales syndicales du pays, eut annoncé une trêve de deux jours des manifestations et appelé le président Nkurunziza à "en profiter pour réfléchir" et "à renoncer" à sa candidature d'ici lundi.
Ces déclarations font craindre un durcissement de la répression déjà brutale.Selon la police, près de 600 personnes ont arrêtées en six jours, dont 150 restent interrogées.Selon le parquet, environ 250 ont été inculpées de "participation à un mouvement insurrectionnel", une infraction passible d'une peine allant jusqu'à la perpétuité.Le reste a été relâché.
Six civils ont été tués - dont trois par balle par la police - et au moins 66 blessés dans les opérations de répression des manifestations.
Les autorités semblent faire fi des avertissements de la communauté internationale et notamment de Washington dont un haut diplomate dépêché à Bujumbura jeudi a fermement invité les autorités burundaises au "dialogue et au compromis", sous peine de sanctions contre le pays - fortement dépendant de l'aide internationale - et des personnalités.
Ce diplomate, Tom Malinowski, avait appelé le gouvernement à "revenir sur les mesures répressives", l'accusant de radicaliser la contestation."Si les gens ne peuvent faire valoir leur opinion pacifiquement et dans le cadre de la loi (...), il vont le faire moins pacifiquement et hors la loi", avait-il averti.
Samedi à Bujumbura, des proches et des militants ont enterré Jean-Claude Niyonzima, 40 ans, salarié de Toyota Burundi.Selon un cousin, il a été tué chez lui, devant son épouse, par des policiers à la recherche de manifestants dont, assure-t-il, il ne faisait pas partie.
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