A Pointe-à-Pitre, le MACTe ambitionne d'apaiser la mémoire de l'esclavage

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Pointe-à-Pitre (AFP)

Des Amérindiens à la traite négrière, le Mémorial ACTe, oeuvre architecturale singulière qui se déploie sur plus de 3 hectares en Guadeloupe, se veut un lieu d'expression sur l'esclavage, "phénomène partagé par l'humanité depuis des millénaires", et ambitionne d'apaiser cette mémoire douloureuse.

"Boîte" de granit noir, dressée à l'entrée de la baie de Pointe-à-Pitre, le "MACTe" se revendique comme le plus grand centre dédié au monde.Il est coiffé d'une résille d'aluminium argenté symbolisant les racines du figuier maudit, capables de se frayer un chemin en tous lieux. 

Une passerelle longiline relie cet ensemble tourné vers la mer à une colline en retrait, le Morne Mémoire où sera cultivé un jardin comme le faisaient les esclaves de plantations sucrières lors de leur rares moments de liberté.

Le président français François Hollande doit l'inaugurer dimanche, journée nationale de commémoration de la traite et des abolitions, en présence d'une trentaine de dirigeants africains et caribéens.Si ces derniers soutiennent le principe de réparations pour les descendants d'esclaves, le président français a toujours dit son opposition à l'"impossible réparation" de ce que la France considère comme un crime contre l'humanité.

Les pays européens sont "gênés" de "reconnaître l'impact" de la traite sur le développement des pays concernés et "l'écosystème politique français" est particulièrement de nature à couper court à toute velléité.Parler de réparation "s'apparentera à de la repentance", notion qui hérisse une grande partie de la droite française, estime Victorin Lurel, président de la région Guadeloupe qui a porté depuis dix ans ce projet.

La culpabilisation des nations esclavagistes n'est d'ailleurs pas le propos du Mémorial, qui entend plutôt rappeler que "l'esclavage est un phénomène partagé par l'humanité depuis des millénaires", souligne Thierry L'Etang, responsable du projet scientifique, qui a travaillé avec le scénographe François Confino.

Le centre - "pas un musée", insiste l'anthropologue - met en lumière aussi des parcours moins connus de nègres marrons, flibustiers, rebelles qui ont jalonné l'histoire passée, et donne la parole à des artistes contemporains. 

 

- Réalités pesantes -

 

De l'exposition permanente à l'exposition temporaire, en passant par le centre de généalogie et la médiathèque, la salle de colloque ou de spectacle vivant, le MACTe veut "tricoter" les différentes disciplines, selon les termes de Bruno Airaud, concepteur du Mémorial. 

"On met en action la mémoire pour qu'elle soit le moteur d'un regard contemporain qui dépasse la traite négrière et s'interroge sur ce que veut dire aujourd'hui la lutte contre le racisme, l'exclusion, l'exploitation", ajoute-t-il.

Le MACTe, partant des Amérindiens qui peuplaient les Antilles pour finir sur les formes modernes d'esclavage, du travail des enfants au trafic d'êtres humains, veut "construire un discours apaisé, réconcilier les mémoires" alors que cette mémoire "s'est peu dite ouvertement dans les outre-mers mais a irrigué souterrainement nos sociétés antillaises", pense l'historienne Myriam Cottias, présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE).

"Les Antilles sont françaises depuis 380 ans dont 213 ans avec l'esclavage et 167 sans: ce sont des réalités pesantes", souligne Serge Romana, président du Comité de la marche de 98, une association de défense des victimes de l'esclavage.Or "il ne peut y avoir de groupe humain structuré sans affiliation positive", estime-t-il voyant dans le MACTe un "symbole de la révolution mémorielle" qu'il appelle de ses v�?ux.

Si le Mémorial enthousiasme plutôt dans sa dimension culturelle, des voix s'élèvent pour dénoncer son coût (83 millions d'euros dont 40 supportés par la Région) et son opportunité loin des préoccupations quotidiennes dans un département frappé d'un taux de chômage de plus de 25%.

"Beaucoup de gens n'en voulaient pas dans cette forme, peut-être par peur de la manière d'aborder l'histoire.La question n'est pas de faire ressortir des problèmes entre blancs et noirs mais on a gommé de l'esprit des gens d'où ils venaient, il faut se réapproprier cette histoire, c'est important pour les jeunes", croit Mehdi Keïta, président de l'association des amis du MACTe.

Implanté sur la friche d'une ancienne usine de sucre, le Mémorial s'imbrique dans la rénovation urbaine de Carénage, l'un des quartiers les plus pauvres de Pointe-à-Pitre.Il génèrera 35 emplois directs qui devraient, selon les engagements du maire et de la Région, profiter aux jeunes du quartier.

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