Dans une nouvelle escalade de la violence, trois personnes ont été tuées par des jets de grenades vendredi soir dans la capitale burundaise Bujumbura, agitée depuis quatre semaines par la contestation populaire contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza.
Au terme d'une journée marquée par une manifestation de plusieurs milliers de personnes dans le quartier périphérique de Cibitoke, et de nouveaux affrontements avec les policiers, deux grenades ont été jetées par des inconnus en plein centre-ville.
Elles ont explosé à proximité de l'ancien marché central, au milieu de la foule et de vendeuses de fruits et légumes installées à même le trottoir.Peu après l'attaque vers 19H00, deux corps étaient allongés côte à côte, recouverts de pagnes, et gisant au milieu de flaques de sang.
Au total, trois personnes ont été tuées, d'après la police et une quarantaine blessées, selon un bilan établi par l'AFP.
"J'étais en ville en train de faire des courses", a raconté une jeune femme, touchée au visage et sur le haut du corps."J'ai entendu la première bombe, j'ai demandé pardon à Jésus, j'ai entendu la deuxième bombe, je l'ai sentie me toucher, je suis tombé par terre et j'ai perdu connaissance".
Le Burundi est en pleine tourmente politique, alors que Bujumbura connaît depuis fin avril un vaste mouvement de contestation populaire contre le président Pierre Nkurunziza, qui est candidat à un troisième mandat à l'élection présidentielle du 26 juin.
Des manifestations ont lieu quasi-quotidiennement depuis lors, émaillées de nombreux heurts entre policiers et protestataires, et sont sévèrement réprimées, avec une vingtaine de morts en quatre semaines, et des scènes de guérilla urbaine.La police fait désormais quotidiennement un large usage de ses armes à feu pour disperser les manifestants, tirant en l'air mais également parfois à hauteur d'hommes, faisant craindre à chaque affrontement un dérapage sanglant.
Depuis le début du mouvement de contestation, plusieurs grenades ont été lancées par des inconnus, dont on ignore les motivations: une fois sur des policiers, mais souvent plus pour terroriser que pour tuer.Vendredi, deux grenades ont explosé au milieu d'un groupe de militaires dans le quartier contestataire de Musaga.Plusieurs soldats ont été blessés.
Avec l'attaque de vendredi soir, c'est la première fois que des grenades sont jetées ainsi au milieu de la foule, et qu'on vise délibérément des civils, contribuant encore un peu plus à instaurer un climat d'instabilité et d'angoisse dans la capitale.
Des attaques à la grenade du même genre étaient très fréquentes dans les années 1994-1996 ayant précédé la sanglante guerre civile burundaise (1996-2006), période pendant laquelle les milices ethniques faisaient régner la terreur dans les rues de Bujumbura.
- Une trêve de 48 heures -
Comme quasi-quotidiennement depuis le 26 avril, les anti-troisième mandat sont redescendus dans la rue vendredi.D'abord mitigée, la mobilisation a repris de l'ampleur dans l'après-midi avec une manifestation de plusieurs milliers d'habitants de Cibitoke (nord), ulcérés de l'intervention des policiers dans le quartier.
Il s'agit là sans doute d'un des plus grands rassemblements en quatre semaines de contestation.Le cortège en liesse faisait plusieurs centaines de mètres, avec à sa tête des manifestants qui jetaient une pluie de pierres sur les policiers, lesquels ripostaient à grand renfort de tirs en l'air et au-dessus des têtes.Le départ des policiers puis leur remplacement par des militaires a désamorcé la colère des manifestants, qui se sont rapidement calmés et sont peu à peu rentrés chez eux.
La contestation reste essentiellement limitée à la capitale, ce qui fait dire au président Nkurunziza, exigeant la fin de cette "insurrection", que "la paix et la sécurité règnent sur 99,9% du territoire burundais".
Des manifestations, de moindre ampleur et sporadique, ont aussi été signalées en province, mais très peu d'informations circulent sur ces zones rurales, alors que les principales radios privées du pays sont aujourd'hui fermées.
Vendredi soir, l'un des leaders du mouvement, Pacifique Nininahazwe, a annoncé une trêve de deux jours pendant le week-end afin de permettre notamment "aux habitants de la capitale de s'approvisionner.
"Un nouveau dialogue entre les différentes parties est engagé depuis quelques jours", a-t-il par ailleurs annoncé, sans autre précision, demandant "au gouvernement de montrer sa bonne foi en s'abstenant de tirer sur les manifestants".
Des élections législatives et communales, déjà reportées de dix jours sous la pression internationale, sont censées se tenir le 5 juin, et marqueront le début des élections générales, avant la présidentielle du 26 juin.
Autre signe d'une escalade de la violence, pour la première fois jeudi, des manifestants ont brûlé du matériel électoral dans deux localités autour de Bujumbura, selon la Commission électorale (Céni).
A ce jour, près de 110.000 Burundais ont trouvé refuge dans les pays voisins, dont 70.000 en Tanzanie.Une épidémie dans l'un de ces camps en Tanzanie a fait près de 31 morts, avec un rythme alarmant de près de 400 nouveaux cas quotidiens, selon l'ONU.
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