Nigeria: le nouveau président devra redorer le blason de l'armée

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Lagos (AFP)

En faisant de la lutte contre le groupe islamiste Boko Haram sa priorité de campagne, le nouveau président nigérian Muhammadu Buhari, qui prend ses fonctions vendredi, s'est imposé une mission de taille: redorer le blason de l'armée nigériane.

Une mission délicate, à en croire l'historien nigérian Ed Keazor: après la libération par l'armée de nombreuses villes du Nord-Est dont Boko Haram avait pris le contrôle, il a décidé d'aller rendre visite aux soldats sur le front, pour récolter des témoignages non filtrés par les autorités. 

Après un long voyage en bus, en taxi et à pied, M. Keazor a atteint en avril Konduga, dans l'Etat de Borno.Il y a passé plusieurs heures avec un bataillon qui à réussi à défendre la ville d'une bonne dizaine d'attaques islamistes.

"Ces hommes étaient désespérés.Ils étaient très, très en colère.Il m'ont dit: +on se bat depuis deux ans, sans relâche+", a rapporté M. Keazor à l'AFP, vidéos (tournées sur son portable) à l'appui.

Avant l'élection présidentielle du 28 mars, "ils ont dit avoir appelé leurs familles et leur avoir dit: +Ne votez pas pour (le président sortant Goodluck) Jonathan, parce que si Jonathan ne s'en va pas, on va continuer à souffrir+", a poursuivi l'historien.

 

- Une armée autrefois prestigieuse -

 

M. Buhari, un général à la retraite qui fut au pouvoir à l'époque des régimes militaires, a promis de venir à bout de Boko Haram.Les insurgés, qui ont fait allégeance au groupe Etat islamique (EI), et la répression des forces armées ont fait plus de 15.000 morts depuis 2009.

La coopération militaire apportée par le Cameroun, le Niger et surtout le Tchad voisins a permis de marquer des points contre les islamistes depuis février. 

Un renforcement des liens avec les puissances occidentales et l'amélioration des conditions de vie dans le nord du Nigeria, où la pauvreté et le fort taux de chômage ont servi de terreau aux extrémismes, font aussi partie des stratégies citées par les experts pour lutter efficacement contre le groupe islamiste.

Mais la réhabilitation de l'armée nigériane est tout aussi vitale, rappelle Yan St-Pierre, le chef de l'entreprise de conseil Modern Security, basée à Berlin.

"Le Nigeria a eu, pendant très longtemps, une armée très efficace et très forte, mais celle-ci a beaucoup perdu à cause de la corruption, surtout durant ces derniers cinq ou six ans", estime-t-il.

L'armée nigériane est intervenue à plusieurs reprises dans des pays africains, notamment lors de la sanglante guerre civile au Liberia, où elle a joué un rôle clé - mais aussi controversé en raison d'accusations de violences - au sein des forces de maintien de la paix.

Mais, au moment où Boko Haram s'emparait de pans entiers du nord-est au second semestre 2014, les experts ont été surpris de constater à quel point cette armée, longtemps considérée comme la plus prestigieuse d'Afrique de l'Ouest, avait perdu ses moyens.

Les soldats, qui se plaignaient un temps de ne même pas avoir de munitions pour combattre les islamistes, ont finalement reçu des armes, un élément clé dans les victoires récentes. 

Mais pour M. St-Pierre, "les armes font pas tout".

Pendant la campagne présidentielle, M. Buhari a dit avoir l'intention de lutter contre la corruption et de faire en sorte, notamment, que des deniers alloués à la défense ne finissent plus dans les poches des politiciens et de hauts gradés. 

Après avoir gagné leur confiance, M. Keazor dit avoir réussi à obtenir les confidences amères de certains des soldats postés à Konduga. 

La présidence était censée avoir approuvé un salaire de 100.000 nairas (485 euros) par mois pour les soldats juniors, mais les intéressés ont dit ne recevoir que 45.000 nairas, desquels étaient déduits 15.000 nairas pour leurs repas.

Nombre d'entre eux n'avaient pas vu leur famille depuis deux ans, les rares permissions de deux jours ne leur permettant pas d'aller plus loin que Maiduguri, la capitale de l'Etat, à 35 km de là --quand la route n'est pas trop dangereuse.

Parmi les soldats rencontrés par l'historien, beaucoup ont dit espérer que le nouveau président, en tant qu'ancien militaire, ferait preuve de plus d'écoute.

"Un soldat m'a dit: +nous devons combattre dans cette guerre, mais notre voix n'est pas entendue+", raconte M. Keazor.

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