Poussée par la communauté internationale, et notamment la France, la Centrafrique a promis d'organiser avant la fin de l'année une élection présidentielle et d'en terminer avec la transition, mais les sceptiques sont déjà nombreux.
Les élections "doivent impérativement" se tenir cette année, a déclaré le ministère français des Affaires étrangères Laurent Fabius, lors de la visite mercredi à Paris de la présidente de transition centrafricaine Catherine Samba Panza.
L'objectif visé pour ce scrutin, déjà reporté à deux reprises, est désormais le mois de décembre.
"Comment voulez-vous tenir le calendrier?On avait dit août, maintenant on dit décembre...Le pays n'est pas encore pacifié, l'administration n'est pas encore déployée sur l'ensemble du territoire et les listes électorales sont inexistantes", les mairies ayant été mises à sac pendant les violences, souligne un observateur.
La Centrafrique s'était retrouvée en plein chaos après le renversement en mars 2013 du président François Bozizé par Michel Djotodia, à la tête d'une rébellion à dominante musulmane, la Séléka.
Les exactions commises par la Séléka ont ensuite débouché sur la création de milices chrétiennes - les anti-balaka - qui s'en sont alors pris aux civils musulmans, déclenchant des violences interreligieuses qui ont fait des milliers de victimes.Celles-ci ont conduit à l'intervention militaire de la France et de l'ONU, à l'éviction de Djotodia et à la mise en place d'une autorité de transition en janvier 2014.
"Une transition qui dure, ce n'est plus une transition.On peut organiser des élections avant la fin de l'année.On ne dit pas que c'est facile, mais on dit que c'est faisable", souligne une source diplomatique sous couvert de l'anonymat.
Un des clés du problème, pour ce pays qui vit sous perfusion de l'aide internationale, est le financement non seulement des élections, estimé à 14 millions de dollars - c'est le manque d'argent qui a, en partie au moins, provoqué deux reports du scrutin jusqu'ici -, mais aussi du programme DDR ("Désarmement, démobilisation, réinsertion") des anciens combattants.
"Le verrou était le DDR.Sans DDR, rien ne se passera", estime Anicet Dologuélé, un des favoris de la présidentielle, ancien Premier ministre sous Ange-Félix Patassé (président de 1993 à 2003).Il se félicite que les groupes armés aient majoritairement signé le programme DDR, proposé en mai lors d'un forum à Bangui qui a rassemblé plus de 600 délégués venus de tout le pays.
- 'Pistolet sur la tempe' -
"Les groupes qui ne s'engageront pas dans le DDR seront détruits militairement", promet une source française.
Mais le financement du DDR, qui reposera sur l'intégration économique des hommes armés, notamment grâce à des "Travaux à haute intensité de main-d'oeuvre" (THIMO, travaux publics avec d'importants recrutements), n'est encore ni chiffré ni acquis.Il faudra une mobilisation internationale pour verser de l'argent dans un pays qui paraît "un puits sans fonds depuis des années", selon un observateur.
"Il faut le DDR, il faudra aussi s'assurer de la libre circulation des populations, pas seulement des candidats.Si on n'a pas ça, les gens ne pourront s'inscrire sur les listes électorales, aller aux meetings ou aller voter", souligne un autre favori de la présidentielle, Martin Ziguelé, également ancien Premier ministre de Patassé.
"On ne vote pas avec un pistolet sur la tempe.Si toutes les conditions ne sont pas réunies, on risque d'avoir un président mal élu et c'est justement ce qu'il faut éviter si on ne veut pas repartir pour 10 ans d'instabilité", affirme une source politique, pour qui le calendrier est "ambitieux".
"Il faudrait plutôt tabler sur un référendum constitutionnel en décembre, des dépôts de candidatures en janvier et une élection en mars", poursuit-elle, assurant que l'ONU se satisferait d'un tel chronogramme "si on prouve qu'on avance".
Pour le moment, on recense jusqu'à 70 candidatures, dont la plupart n'iront certainement pas jusqu'au bout."Dans un pays où l'organe électoral s'appelle ANE (Autorité nationale des élections), c'est logique que n'importe qui se voie président", ironise un Centrafricain.
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