Le 15e anniversaire de l'exécution de l'activiste nigérian Ken Saro-Wiwa dont la campagne contre l'industrie pétrolière avait attiré l'attention du monde entier sur les abus commis dans sa région natale (sud), a été commémoré très discrètement mercredi au Nigeria.
De nombreuses problématiques soulevées par l'écrivain et militant écologiste, pendu sous le régime militaire de l'ancien dictateur Sani Abacha, sont toujours d'actualité dans ce pays, huitième exportateur mondial de brut.
L'Ogoniland, région méridionale dont était originaire Ken Saro-Wiwa, située au coeur du delta du Niger, demeure pauvre et extrêmement polluée.Ses fleuves et ses criques sont souillés par le pétrole et la zone est quadrillée d'oléoducs.
Après la pendaison de l'activiste, de nombreux groupes armés violents sont apparus dans le delta du Niger qui produit l'essentiel du pétrole nigérian.
"Nous sommes attristés car les idéaux que défendait Ken, et pour lesquels il s'est battu et est mort, n'ont pas été réalisés", déclare Sunny Gbobie, un chef traditionnel du village de Ken Saro-Wiwa, Bane.
A l'âge de 54 ans, le très populaire fondateur du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop), a été exécuté le 10 novembre 1995 avec huit autres prévenus.Tous étaient accusés du meurtre de quatre chefs locaux lors de ce que beaucoup ont décrit comme une parodie de procès.
Partisan de la non-violence, Ken Saro-Wiwa avait réussi à interrompre les activités du géant pétrolier anglo-néerlandais Shell dans la région.Il accusait le groupe de polluer l'environnement et de justifier la présence des militaires dans le Delta du Niger, sans pour autant partager ses gains avec la population locale.
Shell qui a été accusée de complicité dans l'élimination de l'activiste, a toujours rejeté toutes les accusations.
La compagnie n'a pas souhaité s'exprimer à l'occasion de l'anniversaire de la mort de Ken Saro-Wiwa, commémorée très discrètement.
Le Mosop a organisé un service dans une église de l'Ogoniland et aucun évènement majeur n'était prévu dans la capitale Abuja.
L'exécution qui s'était déroulée au moment d'un sommet du Commonwealth en Nouvelle Zélande, avait été largement condamnée à travers le monde et notamment par l'ex-président sud-africain Nelson Mandela.
Le fils de l'activiste, Ken Saro-Wiwa Junior, estime que son père "s'est battu pour de nombreuses causes: l'éducation, l'utilisation des ressources de l'Ogoniland pour les Ogoni, la protection environnementale, la défense des droits des minorités".
"Tout cela va prendre du temps", a jugé dans un entretien avec l'AFP Ken Junior, conseiller du président Goodluck Jonathan, lui-même issue du delta du Niger.
Selon une étude réalisée en 2006 par des d'experts nigérians, américains et britanniques, la pollution pétrolière dans le delta du Niger équivaut à celle de la marée noire causée par le naufrage de l'Exxon Valdez en Alaska en 1989, chaque année pendant ces 50 ans.
L'industrie pétrolière affirme qu'une grande partie des fuites ces dernières années est due à des actes de sabotages d'installations pétrolières par des groupe criminels locaux, et au vol de brut prélevé en forant directement des trous dans les oléoducs.
Des activistes de l'Ogoniland estiment eux que Shell est largement responsable de la pollution dans leur région.
Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) mène actuellement une étude d'impact de cette pollution dans l'Ogoniland, qui devrait être publiée en février.
Pour Audrey Gaughran, d'Amnesty International, ce rapport doit être suivi d'actes concrets.
"Soit il faut accepter que le delta du Niger soit perdu à jamais, soit il faut mener une action radicale et importante pour changer les choses", estime-t-elle.
Ledum Mittee, actuel dirigeant du Mosop, promet de poursuivre la lutte engagée par Ken Saro-Wiwa.
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