"Ville morte pour quoi ? Que le chef de l'Etat vienne voir comme les étals sont désespérément vides !" Philomène, vendeuse au grand marché de Kinshasa, espérait tirer profit de la grève générale décrétée par l'opposition pour augmenter sa recette grâce à une concurrence amoindrie.
Mais l'opération "ville morte" a si bien pris qu'à la fin d'une journée gâchée, elle maudit tout à la fois le pouvoir et l'opposition.
D'ordinaire, le marché central de la capitale de la République démocratique du Congo grouille de monde mais le brouhaha habituel a fait place à un silence de cathédrale.
Les "mama mombongo" (commerçantes) ont massivement déserté les lieux, la clientèle aussi.On entend presque le ronflement des clochards avachis devant les lignes de petites boutiques fermées.
"La vérité qu'on doit dire au président Kabila est l'expression de l'attachement des Congolais à la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats pour tout Congolais qui accède à la magistrature suprême", déclare Martin Muteba, ramasseur d'immondices, qui se réjouit d'avoir réalisé le quintuple de son chiffre d'affaire habituel.
Une coalition d'opposants avait appelé à une grève générale nationale en RDC afin d'adresser un "avertissement" au chef de l'�?tat alors que la perspective de la tenue d'une présidentielle s'éloigne chaque jour davantage et que M. Kabila doit arriver à la fin de son mandat en décembre, sans possibilité de se représenter, aux termes de la Constitution.
La grève a été diversement suivie à l'échelle nationale, mais massivement à Kinshasa.
La traversée du marché se fait ici sans encombres : l'inverse de la normale où il faut se frayer un chemin difficilement dans une masse humaine compacte.
- 'de la mort à la vie' -
"Les acheteurs ne sont pas venus.Mes poulets, je vais les consommer de peur de subir une perte sèche", regrette Déborah, vendeuse d'une quarantaine d'années, mère de quatre enfants.
"Nous vivons au jour le jour, ces man�?uvres politiciennes pénalisent notre business.Que mangeront mes trois enfants aujourd'hui ?" s'indigne Christine, vendeuse de piments et d'oignons d'une cinquantaine d'années dont les produits pourrissent sous un soleil ardent.
A côté, Cécile la quarantaine, ne décolère pas, alors qu'elle asperge d'eau un tas de poissons noyés sous un nuage de mouches, dans l'espoir de leur rendre leur fraicheur perdue.
"J'ai baissé les prix [jusqu'à vendre à perte], mais personne ne vient acheter, à cause de cette maudite grève décrétée par ces politiciens qui ignorent tout de nos conditions de vie", tempête Catherine, vendeuse de poisson importé.
Comme l'immense majorité des dix millions d'habitants que compte Kinshasa, ces vendeuses dépendent de leurs maigres revenus journaliers, qui souvent nourrissent bien plus que leur famille proche.
Victorine tient une friperie et a réalisé une bonne affaire."Elles sont restées à la maison, ces naïves", se réjouit-elle exhibant un petit sac plein de billets sales."J'ai récupéré leur clientèle.J'ai vendu dix fois plus" que d'habitude.
Pendant que les vendeuses malchanceuses essayent désespérément d'écouler leur stock, le jour tombe et la vie renaît à Matonge, quartier symbole de l'"ambiance kinoise".
Il est 16h00, les gargotes ont rouvert et sont prises d'assaut.
Pour tenter de faire échec à la grève, le gouvernement avait promis un pointage rigoureux dans les administrations.Des groupes de fonctionnaires, contents d'avoir "sauvé" leur emploi viennent se détendre au "nganda" (débit de boisson) mais râlent contre "le calvaire et le stress" provoqués par les menaces gouvernementales.
Aidés par les décibels envoutants de la rumba congolaise, ils retrouvent néanmoins rapidement le sourire."Aujourd'hui Kinshasa est passée de la mort à la vie", dit l'un d'eux, "ici je retrouve la vie."
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